Des supports variés, au cœur de la relation d’aide en pair-aidance

La pair-aidance s’impose de plus en plus comme un pilier incontournable dans l’accompagnement des personnes vivant avec des troubles psychiques. Loin d’improviser, les pairs-aidants, professionnels ou bénévoles, fondent leurs pratiques sur une palette d’outils et de ressources adaptés à des contextes très divers. Les supports utilisés vont bien au-delà du simple échange d’expériences. Ils structurent la relation, soutiennent la réflexion, encouragent l’autonomie et créent des ponts entre différents acteurs du soin. Quels sont ces supports ? Comment sont-ils utilisés concrètement en Auvergne Rhône-Alpes et ailleurs ? Tour d’horizon, chiffres à l’appui.

Les carnets et plans de rétablissement : supports incontournables

L’un des instruments les plus diffusés est sans doute le carnet ou le plan de rétablissement personnalisé. Ce support, généralement papier mais parfois numérique, permet à la personne accompagnée d’identifier ses besoins, formuler ses objectifs et garder trace de ses avancées. Son usage s’inscrit dans une logique de co-construction : il s’agit de rédiger « avec » la personne et non « sur » la personne. Le WRAP (Wellness Recovery Action Plan), développé aux États-Unis dans les années 90, reste aujourd’hui une référence internationale et a été adapté en France, porté notamment par l’association Santé Mentale France (source : Psycom). Ce programme est basé sur une méthode participative : le plan WRAP propose d’identifier ce qui favorise le bien-être (outils, personnes, activités soutenantes), ce qui alerte sur d’éventuels signes de rechute, et surtout les actions à engager pour maintenir ou retrouver un état de santé satisfaisant. Selon le rapport du Psycom de 2023, près de 46% des établissements psychiatriques français ayant développé la pair-aidance intègrent un support type carnet de rétablissement dans leurs accompagnements collectifs ou individuels. Quelques exemples utilisés en France :

  • Le WRAP : planification structurée et personnalisée
  • Le « Recovery Star » (étoile de rétablissement), outil d’auto-évaluation développé au Royaume-Uni
  • Les carnets-ateliers développés localement dans certains GEM (groupes d’entraide mutuelle)

L’enjeu n’est pas la forme mais l’appropriation : la personne reste pilote de son carnet, le pair-aidant accompagne sans imposer.

Les groupes de parole et d’entraide : cadres collectifs et supports d’expression

Les groupes de parole, type « café rétablissement », « ateliers du vécu » ou « groupes Carpe Diem», occupent une place essentielle dans l’arsenal des supports de la pair-aidance. Selon l’Unafam, 78 % des pairs-aidants formés en France animent ou participent à des groupes de ce type au moins une fois par mois (source : Rapport UNAFAM 2022). Les supports utilisés dans cette configuration sont souvent collectifs et modulables :

  • Guides d’animation (avec déroulé et suggestions de thèmes)
  • Cartes d’échange (Talking Mats, cartes-mots, cartes d’émotions…)
  • Outils d’expression créative : dessin, collage, écriture libre
  • Fiches « retour d’expérience » anonymes pour valoriser l’expression de chacun

Ces supports structurent la parole, facilitent l’écoute active et valorisent l’expérience propre à chaque participant. L’approche par le collectif favorise la horizontalité, limite la stigmatisation, et dépoussière la figure traditionnelle du « patient passif ». Ils offrent aussi aux pairs la possibilité d’expérimenter des rôles d’animation, de co-apprentissage et de co-formation.

Ressources numériques : l’accompagnement à portée de clic

L’émergence des outils numériques a ouvert de nouvelles voies pour la pair-aidance. Plateformes de partage, formations en ligne, applications de suivi ou forums sécurisés : les formes sont multiples et en constante évolution. Quelques exemples de supports numériques répandus :

  • My WRAP App : application mobile pour planifier, suivre et ajuster son plan de rétablissement
  • PsyApps : annuaire d’applications de santé mentale validées par des pairs-aidants et des professionnels (source : Fédération Régionale des Acteurs en Promotion de la Santé)
  • Espaces forums sécurisés comme Parlons Psy (fondation de France) ou la plateforme Un Chez-soi d'abord
  • Carnets partagés sur Drive/OneNote, permettant de garder le lien même entre deux rencontres

Selon Santé Publique France, en 2022, près de 40% des pairs-aidants déployés dans les établissements publics utilisent quotidiennement des supports numériques pour le suivi de la relation ou la transmission d’informations. Ces outils favorisent la continuité d’accompagnement, permettant de surmonter des obstacles liés à la mobilité, à la distance ou à la solitude, notamment en zones rurales où les rencontres physiques peuvent être compliquées.

Médiations artistiques et supports créatifs : ouvrir des portes nouvelles

Les supports d’expression artistique (théâtre, photo, écriture, musique, arts plastiques) apportent une dimension souvent sous-estimée dans l’accompagnement. Ils facilitent le récit de soi là où les mots viennent difficilement. De nombreux GEM (groupes d’entraide mutuelle) de la région Auvergne Rhône-Alpes proposent régulièrement :

  • Ateliers photolangage (mélangeant photo et parole)
  • Écriture de textes collectifs ou individuels (slam, poésie, journal créatif…)
  • Mise en scène de saynètes issues du vécu (pratiques issues du Théâtre de l’Opprimé)
  • Expositions ou projets communs (peintures, carnets illustrés, podcasts)

L’art devient ici un outil thérapeutique indirect, mais puissant : il renforce la confiance, brise l’isolement et permet de porter un autre regard sur soi et sur le groupe. Un chiffre illustratif : un rapport de la fondation Novas Arcades (2023) estime que 56 % des bénéficiaires de groupes de pair-aidance mentionnent « l’activité artistique » comme un des trois principaux facteurs ayant contribué à leur maintien dans le groupe.

Supports d’éducation thérapeutique et d’auto-formation

La transmission d’outils d’éducation thérapeutique du patient (ETP) est au cœur des missions de nombreux pairs-aidants, notamment lorsqu’ils travaillent en institution. Les supports proposés sont aujourd’hui mieux intégrés dans les parcours de soins et d’accompagnement, même s’ils varient d’un établissement à l’autre :

  • Fiches pédagogiques ludiques sur la gestion du stress ou la communication non violente
  • Outils de psychoéducation visuelle (« chemin du rétablissement », schémas de relations…)
  • Manuels d’auto-formation co-rédigés par des personnes concernées et des professionnels (ex. : guide « Mieux Vivre Avec… » de la Haute Autorité de Santé)
  • Jeux de rôle et jeux de société adaptés pour travailler soft skills, affirmation de soi, gestion des émotions

Un enjeu clé : l’accessibilité. Les supports doivent être adaptés à des personnes parfois éloignées de l’écrit, en situation de handicap ou traversant un moment de grande fragilité. L’implication dans la co-conception est forte : un collectif comme le CRPA (Collectif Rétablissement Pair-Aidance) fait tester systématiquement tous ses supports par des bénéficiaires avant diffusion.

Mémoire du vécu : outils de partage d’expériences et valorisation de la parole

La valorisation des parcours de vie et des stratégies personnelles est enfin un pilier de la palette d’outils du pair-aidant : recueils de témoignages (écrits, audio, vidéo), boîtes à outils partagés, plateformes d’échange. Quelques exemples :

  • Récits-vidéo autoproduits (initiative « Vivre avec… » d’ADVOCACY France)
  • Recueils collectifs anonymisés de récits, distribués lors des formations ou dans les salons, comme ceux produits par le Réseau international sur le rétablissement
  • Sessions publiques de partage du vécu (parfois en visio ou dans le cadre de forums « Journées du Rétablissement »)

Ce partage « organisé », quand il est respectueux de l’anonymat, légitime l’expérience individuelle, crée un sentiment d’appartenance et peut aussi faire bouger les représentations, y compris chez les professionnels.

Accompagner c’est aussi inventer : de nouveaux supports en chantier permanent

L’inventivité demeure une caractéristique forte de la pair-aidance : chaque équipe adapte ou crée ses supports au fil des besoins et des retours du terrain. Cela implique une veille continue et un échange d’expériences entre pairs à l’échelle régionale, notamment au sein de réseaux tel que la Fédération des GEMs, Pairformances ou encore Paroles de Pairs Rhône-Alpes. Les supports d’accompagnement évoluent avec les enjeux rencontrés : inclusion numérique, mixité des publics, prévention des ruptures de parcours, prise en compte des aidants proches… Autant de défis qui poussent à inventer sans cesse de nouveaux outils (applications, podcasts, tutoriels vidéo, supports en FALC – Facile à Lire et à Comprendre, etc.).

Valoriser cette diversité, c’est reconnaître la créativité des pairs-aidants ; c’est aussi rappeler que ces outils n’ont de sens que s’ils respectent la singularité de chaque parcours, sécurisent la relation et stimulent la démarche active de la personne accompagnée.

Pour aller plus loin, plusieurs plateformes recensent des supports validés pour pairs-aidants et utilisateurs : Psycom, Santé Mentale France, ou UNAFAM.

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