Pourquoi adapter sa communication ? Les enjeux derrière les mots

Accompagner une personne concernée par un trouble psychique, accompagner une famille, ou travailler en équipe pluriprofessionnelle implique plus qu’une simple transmission d’informations. La communication façonne la qualité de la relation d’aide, influence le ressenti de chacun, et peut même renforcer ou freiner le processus de rétablissement.

  • Des besoins et des attentes très hétérogènes : Les personnes vivent différemment leur parcours : situation de crise, hésitation autour d’un diagnostic, envie de s’engager dans le rétablissement… Chacun avance à son rythme, avec ses repères et ses priorités.
  • Des contextes multiples : L’accompagnement ne se vit pas de la même façon en hôpital, au domicile, en service d’insertion, en groupe de pair-aidance, ou en consultation individuelle.
  • Des impacts mesurés : Selon une enquête menée par Santé publique France en 2022, 42 % des personnes concernées déclarent avoir renoncé à demander de l’aide après une mauvaise expérience de communication avec un professionnel [Santé publique France].

Adapter sa communication, c’est donc prendre acte de cette diversité et la reconnaître comme une force – c’est poser le cadre d’un accompagnement plus respectueux, plus efficace, et fondé sur la prise en compte de l’autre.

Qu’est-ce qu’une communication réellement adaptée ?

La communication adaptée, ce n’est pas simplement être poli ou bienveillant. Il s’agit d’ajuster sa posture, ses mots, sa façon d’écouter… Mais aussi de tenir compte de ce qui se joue en dehors du verbal : gestes, non-dits, contexte émotionnel ou relationnel.

  • Clarification des objectifs : Que souhaite la personne en face ? Un soutien, des informations, une orientation, un partage d’expériences ?
  • Présence authentique : Montrer une attention réelle, une écoute sans jugement qui favorise l’expression de ce qui compte pour l’autre.
  • Langage accessible : Éviter le jargon médical, ne pas supposer la compréhension des termes ou concepts, reformuler si besoin.
  • Prise en compte de la littératie en santé : En France, une personne sur cinq peine à comprendre les informations de santé qui la concernent [Santé Publique, 2018].

Adopter une communication adaptée, c’est aussi accepter de s’ajuster en permanence, de chercher des retours, d’accepter de corriger le tir si un échange ne fonctionne pas.

Adapter sa communication selon le contexte : milieux et situations

Le lieu et la situation d’accompagnement influencent fortement la façon de s’adresser à l’autre. Voici quelques contextes fréquents :

1. En établissement de santé mentale

  • Temps court, anxiété possible : Beaucoup de personnes ressentent du stress, de la crainte ou de la méfiance à l’hôpital. Privilégier un cadre rassurant, renouveler les informations, proposer les messages-clés à l’écrit.
  • Interactions plurielles : Intervenir avec une équipe demande d’expliciter sa fonction, d’articuler son discours avec les autres professionnels, et de valoriser la complémentarité (ex : le vécu du pair-aidant, l’expertise du médecin, la vision du psychologue).
  • Respect de la temporalité : Accepter les silences, les pauses, et ne pas imposer un rythme d’échange inadapté.

2. Au domicile ou en structure médico-sociale

  • Milieux de vie privés : Prendre en compte l’environnement, la présence éventuelle de proches, les rituels quotidiens.
  • Dynamique familiale : Prendre le temps de clarifier les rôles de chacun, d’écouter aussi la famille sans occulter la voix de la personne.

3. En entretien individuel

  • Écoute active : Reformuler, demander des clarifications, rester ouvert aux émotions négatives (colère, peur, tristesse).
  • Partage du pouvoir : Inclure la personne dans les décisions, expliquer clairement les options, insister sur le droit au refus ou à la pause.

4. En groupe de pair-aidance ou ateliers collectifs

  • Dimension participative : Encourager la prise de parole libre, organiser le tour de parole, veiller à ce que chacun trouve sa place.
  • Diversité des stratégies : Intégrer supports visuels, outils créatifs (dessin, écriture, photo), jeux de rôle pour faciliter les échanges.

Adapter selon le public : quels ajustements lors de l’accompagnement ?

Selon l’âge, le parcours, la culture ou la position des personnes (bénéficiaire, proche, professionnel…), la communication doit évoluer. Quelques points de vigilance spécifiques :

1. Accompagner un adulte concerné par un trouble psychique

  • Sécuriser la relation : Nommer le cadre, rassurer sur la confidentialité, rappeler que les mots confiés seront respectés.
  • Valoriser l’expérience de la personne : Ne pas minimiser ce qu’elle vit ; donner de la légitimité à sa parole, lui demander sa vision des priorités à aborder.

2. Accompagner des jeunes adultes ou des adolescents

  • Faire preuve de créativité : Utiliser des référents culturels connus, proposer des supports numériques ou ludiques (chat, forum, vidéo, images).
  • Respecter le besoin d’autonomie : Impliquer la personne dans les choix, encourager l’expression de ses envies et limites.
  • Neutralité sur le plan moral : Accueillir les prises de risque, ne pas juger ni surveiller mais ouvrir le dialogue.

3. Accompagner les familles et proches

  • Reconnaître la charge émotionnelle : Les familles traversent souvent la peur, la culpabilité, la fatigue. Prendre le temps d’écouter leurs vécus, expliquer les informations de façon claire.
  • Informer sans infantiliser : Expliquer le parcours, le rôle de chaque intervenant, donner des perspectives sur « ce qui est possible », sans promettre de solutions miracles.
  • Créer du lien de confiance : Rester disponible pour des questions ultérieures, donner accès à des ressources fiables (numéros d’écoute, associations spécialisées, permanences locales).

4. Accompagner des personnes d’horizons culturels multiples

  • Tenir compte des codes et valeurs : Les représentations de la santé mentale, les attentes en matière d’aide ou les difficultés d’expression peuvent varier considérablement.
  • Utiliser des médiateurs interculturels : Collaborer avec des interprètes, médiatrices, associations culturelles (par exemple France Terre d’Asile, Croix-Rouge Française…)
  • Adapter le rythme : Prendre davantage de temps dans l’explication, proposer des outils visuels, valider la compréhension en posant des questions ouvertes.

Techniques et outils pour une communication ajustée

Savoir s’adapter, c’est aussi mobiliser des outils efficaces au fil des dialogues. Quelques techniques ayant fait leurs preuves dans la relation d’accompagnement :

  1. L’écoute active : Pratiquer les reformulations, les validations émotionnelles (“Je comprends que cela ait pu être difficile pour vous…”), les silences porteurs (laissant la personne choisir le moment de reprendre la parole).
  2. La communication non-violente (CNV) : Utilisée dans de nombreuses structures d’accompagnement, elle privilégie l’expression des besoins et sentiments plutôt que l’interprétation ou le jugement [Association française pour la CNV].
  3. Les outils visuels : Frises, schémas, jeux de cartes de questions, supports imagés facilitent la compréhension, surtout pour les personnes ayant une littératie limitée.
  4. La validation du vécu : Témoigner de la légitimité de l’expérience de la personne, même (et surtout) lorsqu’on ne la comprend pas immédiatement.
  5. Les “feedbacks” réguliers : Vérifier qu’on est bien compris (“Est-ce que ce que je dis fait sens ? Voulez-vous qu’on revienne sur un point ?”), ajuster si nécessaire, sans jamais juger une incompréhension.

Quand la communication devient un acte de reconnaissance

Adapter sa façon de communiquer, c’est établir une relation plus égalitaire. C’est le socle de l’alliance thérapeutique, du soutien entre pairs, ou du lien entre proches et personnes concernées. Une enquête de la Haute Autorité de Santé (HAS) de 2020 montre que la qualité du dialogue entre accompagnant et accompagné est le premier facteur cité par les personnes comme critère d’un soin “de qualité” [HAS, 2020].

  • Une relation basée sur le respect mutuel, même lors des désaccords.
  • Une prise en compte de l’histoire globale, pas seulement du trouble, du parcours ou du symptôme.
  • Un engagement à ouvrir la porte à la co-construction : donner la place à la personne, l’aider à renforcer son pouvoir d’agir (empowerment).

Prendre soin de la communication, ce n’est jamais du temps perdu : c’est au contraire la première condition pour que chaque accompagnement devienne une rencontre et un pas de plus sur le chemin du rétablissement.

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