Les piliers éthiques de la pair-aidance
1. Le respect inconditionnel de la personne
Au cœur de toute action de pair-aidance, il y a une conviction : chaque personne possède une dignité et un chemin singulier, quelles que soient la gravité ou la chronicité des troubles vécus. Ce respect inconditionnel suppose de ne jamais réduire autrui à un diagnostic, un statut ou un passé.
La Fédération Française des Associations de Psychiatrie rappelle que « la reconnaissance de la singularité de chaque parcours doit être première, même au sein de l’expérience partagée ». Cette exigence s’oppose frontalement aux pratiques paternalistes ou compassionnelles classiques : c’est un respect de pair à pair, sans hiérarchie de valeur entre les récits.
2. Réciprocité et non-directivité
Au cœur de la pair-aidance authentique : sortir de la logique de conseil ou de prescription. Le pair-aidant ne sait pas “mieux” parce qu’il est passé par là. Il écoute, partage, accompagne — jamais ne dirige ni « sauve ». Cette posture, inspirée du courant du rétablissement (“recovery”), affirme la capacité de chacun à être acteur de ses choix.
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Réciprocité : les expériences circulent dans les deux sens. Même dans l’écoute, le pair-aidant reconnaît qu’il peut apprendre de l’autre. Cela développe la confiance et la co-construction du savoir.
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Non-directivité : inspirée par Carl Rogers et les principes de l’alliance thérapeutique, cette notion guide la relation hors de toute volonté d’influence. On ne propose pas des solutions toutes faites. On ouvre un espace d'expression et de réflexion.
En France, le Réseau Santé Mentale propose d’ailleurs des formations axées sur le “pouvoir d’agir”, visant à éviter les rapports d’emprise ou de dépendance (source : réseau Santé Mentale Auvergne-Rhône-Alpes).
3. Confidentialité et confiance
La question du secret est centrale pour la crédibilité de la pair-aidance. Même sans statut réglementé comme ceux des professionnels de santé, la confidentialité s’impose comme une exigence éthique. Les Chartes de Pair-aidance, dont celle du Centre Collaborateur de l’OMS de Lille (CCOMS), stipulent clairement :
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Tout échange personnel doit rester strictement confidentiel, dans la limite de la loi (notamment en cas de danger imminent).
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La confiance, base du lien pair-aidant/pair-aidé, est construite sur la promesse que la parole sera entendue sans jugement ni divulgation.
Cela distingue la pair-aidance des simples forums ou groupes Facebook où la confidentialité n’est jamais garantie.
4. L’empowerment : soutien à l’autonomie et au pouvoir d’agir
L’un des apports décisifs de la pair-aidance réside dans la promotion de l’empowerment, traduit en français par “pouvoir d’agir”. Il ne s’agit pas de remplacer l’unité de soins, mais d’inscrire la personne au cœur de son projet de vie. Les études réalisées par l’INSERM et Santé mentale France soulignent que l’implication de pair-aidants augmente significativement l’autonomie perçue chez les aidés (+18 % sur un an dans certains dispositifs en Ile-de-France, source : Santé Mentale France 2022).
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Le pair-aidant ne donne pas des instructions : il encourage à faire émerger les propres ressources et leviers d’action de la personne.
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Il partage des stratégies, sans imposer un parcours unique ni prétendre à l’exemplarité.
C’est cette philosophie qui transforme le rapport de soin en une dynamique d’alliance et de soutien mutuel.
5. Limites, responsabilités et gestion des situations à risque
L’action du pair-aidant s’effectue dans un cadre défini : il n’est pas thérapeute, psychologue, ni médiateur familial. La formation insiste sur la nécessité de connaître ses propres limites et de savoir où orienter en cas de besoin (source : Guide pratique Pair-aidance Réh@b, 2021).
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Reconnaître la limite de son rôle : transmettre un soutien d’égal à égal, sans s’improviser professionnel.
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Transférer au besoin : signaler toute situation de danger, briser le secret si la sécurité de la personne est en jeu.
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Repérer l'épuisement compassionnel : toute implication excessive peut entraîner le burn-out du pair-aidant, d’où l’obligation d’intervision ou de supervision.
Un rapport du Centre Hospitalier de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (2022) souligne que, dans 80 % des structures où les pair-aidants sont suivis en supervision, ceux-ci signalent une meilleure gestion des situations émotionnellement difficiles.