Une dynamique régionale en pleine évolution

La pair-aidance, longtemps marginale dans nos systèmes de soins, occupe désormais une place grandissante dans la région Auvergne Rhône-Alpes. Cette transformation répond à des besoins multiples : donner la parole à l’expérience vécue, soutenir des parcours de rétablissement divers et enrichir notre système de santé avec de nouvelles pratiques. Les dispositifs et associations se multiplient, portés autant par des acteurs institutionnels que par des collectifs citoyens. Mais qui sont ces acteurs qui font vivre la pair-aidance ? Quelles sont leurs spécificités, leurs actions concrètes ? Ce panorama vise à donner des repères clairs, que l’on soit concerné par des troubles psychiques, professionnel ou proche.

Les structures associatives pionnières de la pair-aidance

L’Association Santé Mentale France Rhône-Alpes (SMF-RA)

L’antenne rhônalpine de Santé Mentale France se démarque comme l’une des plus actives sur le terrain de la pair-aidance. Depuis 2018, elle soutient la formation, l’intégration et l’accompagnement de pairs-aidants salariés dans plusieurs établissements de la région. Leur action est marquée par la création de groupes d’entraide, la sensibilisation des équipes soignantes et l’accompagnement professionnel des pairs-aidants. Selon leur dernier rapport régional (2023), plus de 40 pairs-aidants professionnels ont été recrutés dans des établissements partenaires, un chiffre en croissance constante.

France Dépression Rhône-Alpes

Présente à Lyon, Grenoble, Saint-Étienne et Clermont-Ferrand, France Dépression Rhône-Alpes propose des groupes de parole et des ateliers animés par des pairs, principalement pour des personnes souffrant de dépression, de troubles bipolaires ou d’anxiété. Cette association, née au niveau national, structure le soutien en pair-aidance sur le territoire par une présence régulière dans les centres hospitaliers et au sein de dispositifs d’accueil social.

Les Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM)

Les GEM sont des structures associatives portées par et pour des personnes vivant avec des troubles psychiques, des troubles du neuro-développement ou des troubles de l’autisme. La région comptait fin 2023 plus de 70 GEM (source : Fédérations nationales des GEM), soit plus de 10 % du maillage national. Ces espaces autonomes offrent activités, soutien au rétablissement et convivialité, tout en étant souvent le terreau d’émergence de futurs pairs-aidants.

Les établissements de santé impliqués

Les hôpitaux pionniers

Plusieurs établissements publics et privés ont fait le choix d’intégrer des pairs-aidants salariés, parfois dès la phase de conception des projets. Citons notamment :

  • Le Centre Hospitalier Le Vinatier (Bron, 69) – Premier établissement en Auvergne Rhône-Alpes à avoir recruté une équipe dédiée de pairs-aidants dès 2019, avec des missions couvrant la médiation, l’accompagnement individuel et le développement d’actions collectives (source : Rapport d’activité Vinatier 2022).
  • le Centre Hospitalier Sainte-Marie à Clermont-Ferrand, où les pairs-aidants jouent un rôle clé dans la coordination de groupes d’entraide et d’ateliers psychoéducatifs.
  • Le Centre Hospitalier Saint-Jean-de-Dieu (Lyon) – Où l’équipe de pair-aidance est impliquée dans le parcours de rétablissement des patients et la formation continue des équipes.

Selon l’Observatoire de la Pair-Aidance (OPEPA, 2023), 15 établissements hospitaliers de la région emploient au moins un pair-aidant en 2024, un chiffre ayant doublé depuis 2020.

Les Centres de Réhabilitation Psychosociale (CRPS)

Installés à Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand et Saint-Étienne, les CRPS ont développé des dispositifs intégrant systématiquement la pair-aidance. Les pairs participent à l’animation d’ateliers de remédiation cognitive, de préparation à la vie sociale et professionnelle, et assurent aussi une médiation entre équipes et usagers.

Les réseaux et plateformes ressources

Le Collectif Interrégional Pair-Aidance AURA

Ce collectif, constitué en 2022 à l’initiative de pairs-aidants de Lyon, Grenoble et Saint-Étienne, vise à mutualiser les ressources, identifier les besoins de formation, défendre les droits des pairs-aidants et porter leur voix auprès des institutions. Il regroupe à ce jour plus de 80 pairs et sympathisants, favorisant ainsi l’émergence d’une communauté soudée à l’échelle régionale.

L’IRPSY (Institut Régional de Psychologie et Pair-Aidance)

Basé à Lyon, l’IRPSY organise des formations certifiantes, des séminaires et des journées d’échanges, en partenariat avec des universités et des associations. C’est un acteur clé dans la professionnalisation du métier de pair-aidant. En 2022-2023, plus de 70 personnes ont été formées à la pair-aidance sur la région (chiffre IRPSY).

L’implication des usagers et des proches

La région se distingue par un tissu associatif particulièrement dynamique, impliquant également les proches. Plusieurs collectifs, tels que UNAFAM Rhône-Alpes, proposent des groupes de soutien axés sur la pair-aidance familiale. Cette implication favorise une meilleure compréhension mutuelle, des familles et des personnes concernées, et une co-construction des parcours de soins.

Groupes de parole et dispositifs innovants

  • Dispositif « Aller vers » de l’ARS Auvergne Rhône-Alpes : Expérience pilote lancée en 2021, ce programme vise à renforcer le pouvoir d’agir des personnes en situation de handicap psychique, par l’accompagnement de pairs.
  • Dispositif « Pairs-Relais » à Grenoble : Proximité, médiation, repérage de la souffrance psychique s’appuient sur des pairs formés, embauchés par des structures médico-sociales.

L’ouverture de ces dispositifs à de nouveaux publics, notamment les jeunes, illustre la volonté régionale d’innover et d’adapter la pair-aidance à la diversité des parcours.

Statistiques et points forts régionaux

  • Auvergne Rhône-Alpes : 2e région de France par le nombre de pairs-aidants salariés en service de santé mentale (données OPEPA, 2023).
  • Plus de 70 GEM, couvrant au total environ 2 500 personnes accompagnées chaque année.
  • Plus de 200 groupes de parole organisés par les associations et hôpitaux sur le territoire.
  • Une vingtaine de dispositifs d’accompagnement pour les projets de vie, l’insertion professionnelle et le logement adaptés.

Freins persistants et leviers d’action

Obstacles rencontrés

  • Rémunération souvent trop faible ou précarité de l’emploi des pairs-aidants.
  • Parfois, faible reconnaissance institutionnelle malgré la montée en puissance du dispositif.
  • Besoin de formations reconnues et continues sur le territoire.
  • Manque de coordination entre acteurs associatifs et hospitaliers.

Atouts et perspectives

  • Un maillage territorial très développé, facilitant l’accès à la pair-aidance même dans des zones semi-rurales.
  • La dynamique collaborative unique, avec de nombreux ponts entre professionnels, personnes concernées et familles.
  • Des expérimentations inspirantes (logement accompagné, pair-aidance en milieu scolaire, accompagnement à la parentalité).

Vers une reconnaissance renforcée de la pair-aidance régionale

Le dynamisme de l’Auvergne Rhône-Alpes réside dans sa capacité à fédérer une pluralité d’acteurs autour des personnes concernées. Du tissu associatif aux établissements de santé, des collectifs de pairs aux formations universitaires, la pair-aidance s’installe dans les pratiques et dans les esprits. Les défis restent nombreux : pérennisation des financements, reconnaissance des statuts professionnels, accès à la formation. Mais les avancées, en cinq ans, sont notables et font de cette région un laboratoire vivant, où l’engagement citoyen et institutionnel ouvre la voie à une santé mentale plus inclusive, plus humaine et porteuse d’espoir.

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