Pourquoi une évaluation dans la formation de pair-aidant ?

L’évaluation occupe une place centrale dans la formation de pair-aidant, car elle permet de valider des compétences spécifiques, à la croisée de l’expérience vécue et de savoir-faire transmis. Selon un rapport de la Haute Autorité de Santé (HAS, 2023), il s’agit avant tout de garantir que le pair-aidant soit en mesure d’agir efficacement, avec éthique, au service des personnes accompagnées.

  • Reconnaissance officielle : Permet d’attester de façon formelle des compétences.
  • Sécurisation des pratiques : Limite les risques liés à une fonction émergente, souvent en interface avec des équipes pluridisciplinaires.
  • Valorisation de l’expérience : Fait entendre la voix des personnes concernées non plus seulement comme témoins, mais comme professionnelles de la relation d’aide.

C’est aussi un enjeu d’inclusion : l’évaluation, lorsqu’elle est bien conçue, évite de réserver la pair-aidance à une poignée de personnes dotées d’un « retour à la normale » académique, valorisant la progression individuelle et l’adaptabilité.

Les différents temps de l’évaluation : un processus continu

Contrairement à une logique purement « examinale » en fin de parcours, l’évaluation d’une formation de pair-aidant se déroule en continu et prend des formes variées.

1. L’évaluation diagnostique : faire émerger ses acquis et ses besoins

Dès l’entrée en formation, un premier temps d’évaluation, parfois appelé « diagnostique », permet de dresser un état des lieux :

  • Bilan du parcours de vie et d’expérience : identification du vécu, points d’appuis, ressources mobilisables, mais aussi zones de vulnérabilité.
  • Repérage des motivations : clarification des attentes vis-à-vis de la formation et du futur rôle professionnel.

Des entretiens individuels, des questionnaires ou des ateliers en groupe sont fréquemment utilisés à cette étape (Guide Psycom, 2022).

2. L’évaluation formative : l’apprentissage en pratique

Tout au long de la formation, l’évaluation se veut avant tout « formative » (Inspection Générale des Affaires Sociales, 2021), c’est-à-dire pensée comme un outil d’évolution.

  • Mises en situation : jeux de rôle, simulations d’entretien, analyses de situations rencontrées lors des stages.
  • Exercices d’auto-évaluation : grilles ou portfolios permettant à chacun de situer son avancée.
  • Feedback collectif : retours du groupe et des formateurs, échanges autour des pratiques.

Le but : consolider les acquis, repérer les points d’amélioration, favoriser l’ajustement de posture.

3. L’évaluation certificative : la reconnaissance officielle

En fin de formation, une évaluation « certificative » peut donner lieu à la délivrance d’un certificat ou d’une attestation reconnue au niveau régional ou national (exemple : Certificat universitaire pair-aidance à Paris Nanterre, dispositif de l’ARS Auvergne Rhône-Alpes).

  • Dossier écrit : rédaction d’un mémoire ou d’un dossier de pratique, où sont exposés le parcours, les compétences, et les expériences d’accompagnement menées.
  • Entretien oral : présentation devant un jury composé de pairs, de professionnels de santé mentale et parfois de représentants institutionnels.
  • Évaluation en situation : rapports de stage ou d’activités menées en institution.

Les critères sont transparents : capacité à mobiliser ses savoirs, attitude professionnelle, compréhension du cadre éthique, qualité de l’accompagnement proposé.

Les critères d’évaluation les plus fréquents

Les référentiels d’évaluation reposent sur une série de critères, largement partagés dans les principaux cursus (Référentiel ARS PACA, 2022, Vidal-Taboada et all., 2020).

  • Capacité à mobiliser son savoir expérientiel : valoriser son parcours et en faire une ressource au service de l’autre, sans imposer son point de vue.
  • Posture professionnelle : respect de l’éthique (confidentialité, respect des limites…), intégration dans une équipe pluridisciplinaire.
  • Compétences relationnelles : écoute active, renforcement du pouvoir d’agir (« empowerment »), gestion de sa propre vulnérabilité.
  • Capacité réflexive : analyse critique de ses interventions, remise en question constructive, demandes de supervision.
  • Maîtrise des outils d’accompagnement : connaissance des dispositifs, transmission d’informations adaptées, soutien au rétablissement personnalisé.

Des méthodes adaptées au profil des participants

Les évaluations sont conçues pour tenir compte de l’hétérogénéité des parcours et des profils. À la différence de nombreux cursus classiques, elles s'efforcent d’éviter l’élitisme et l’exclusion de personnes fragilisées par leur histoire psychique.

Quelques dispositifs remarquables :

  • L’évaluation par les pairs : dans la plupart des formations, une partie de l’évaluation est assurée par des personnes ayant elles-mêmes traversé le parcours, ce qui favorise un regard juste et bienveillant.
  • Grilles à 360° : feedbacks croisés entre stagiaires, formateurs et professionnels extérieurs, pour intégrer plusieurs visions et réduire les biais.
  • Prise en compte de l’évolution personnelle : l’accent est mis autant sur la trajectoire individuelle que sur l’acquisition formelle de compétences.

Plus de 65% des cursus de pair-aidance universitaires en France intègrent au moins deux modalités d’évaluation différentes (Source : Rapport IGAS 2021).

Des retours d’expérience qui inspirent

Les retours sur l’évaluation sont divers. Des études menées à Lyon, Grenoble ou Clermont-Ferrand (O’Shaughnessy et al., 2017 ; Pignon et al., 2023) montrent que le format évolutif et participatif de l’évaluation est ressenti comme sécurisant par la majorité des pairs en formation.

Quelques témoignages collectés lors d’enquêtes qualitatives récentes :

  • « Le fait d’être accompagné.e dans l’évaluation a changé ma perspective sur mes capacités. Je ne me sentais pas jugé.e, mais soutenu.e »
  • « L’échange avec le jury était exigeant mais respectueux de mon expérience »
  • « J’ai découvert par l’auto-évaluation un potentiel que je ne soupçonnais pas »

Selon une enquête réalisée par l’UNAFAM (2022), plus de 70% des pairs-aidants formés estiment que le processus d’évaluation a permis de renforcer leur sentiment de légitimité et d’agir en confiance dans leur futur rôle.

Les défis et évolutions à venir

Il reste des défis majeurs :

  • Harmonisation des pratiques : selon les régions et organismes, la nature des évaluations diffère encore, d’où un besoin de référentiel commun (travaux de la HAS et du CNL Santé Mentale).
  • Reconnaissance professionnelle : dans certains contextes, l’évaluation reste jugée trop symbolique et peu visible hors du champ spécifique de la santé mentale.
  • Nécessité d’un accompagnement dans l’évaluation pour tenir compte de la fragilité et de l’histoire de chaque pair.

Dans les années à venir, on observe une montée des pratiques d’évaluation participatives, ainsi qu’une volonté de mieux intégrer le regard des personnes accompagnées elles-mêmes dans le processus (voir le projet européen EMILIA, 2021).

Aller plus loin : pour que l’évaluation soit un tremplin, pas un frein

Retenir de l’évaluation dans la formation de pair-aidant qu’elle est avant tout un moment de valorisation des ressources, de consolidation du parcours personnel et d’ouverture sur le travail en équipe, c’est lui rendre sa vocation d’inclusion. Dans la région Auvergne Rhône-Alpes, comme ailleurs en France, l’enjeu sera de poursuivre la structuration des pratiques pour garantir la même équité à tous les candidats, quel que soit leur parcours.

Pour approfondir, plusieurs ressources sont accessibles : les travaux du Conseil National de la Santé Mentale, les référentiels régionaux des ARS, et les expériences partagées par de nombreuses associations de pairs. Favoriser la transparence, l’accompagnement et la co-évaluation, c’est permettre à la pair-aidance de tenir son rôle : rendre chacun acteur de son parcours, et de celui des autres.

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