Un rôle unique, à l’intersection de l’expérience et de la transmission

Le pair-aidant est une personne ayant elle-même vécu un trouble psychique, mais qui a avancé sur son parcours de rétablissement au point d’accompagner d’autres personnes, au sein d’équipes pluridisciplinaires. Ce rôle se distingue par la valorisation du vécu comme compétence à part entière, et par la manière d’incarner l’espoir du rétablissement.

Une reconnaissance officielle récente

Il a fallu attendre la loi de modernisation du système de santé de 2016 pour que la pair-aidance soit officiellement reconnue dans les textes français (source: Legifrance). Depuis, le secteur bouge vite : la première formation diplômante universitaire de pair-aidant en santé mentale (DU pair-aidance en santé mentale) a vu le jour à Lyon en 2012, et aujourd’hui, plus de 300 professionnels pair-aidants sont actifs sur le territoire (source : CCOMS, 2023).

Les conditions générales à remplir pour intégrer une formation de pair-aidance

  • L’expérience vécue du trouble psychique : C’est le point commun à tou·te·s les candidat·e·s. Généralement, il s’agit de personnes qui ont traversé des périodes de maladie(s) psychique(s), qui en reconnaissent l’impact, et souhaitent s’engager dans l’accompagnement d’autrui.
  • Un parcours de rétablissement engagé : Il n’y a pas de délai universel, mais la plupart des organismes demandent que les candidats soient suffisamment avancés dans leur propre cheminement pour pouvoir prendre du recul. Certains établissements évoquent une stabilité d’au moins deux ans.
  • Une volonté de s’impliquer au service des autres : Être pair-aidant n’est pas un passage de témoin instantané : l’écoute, la confidentialité, une capacité de discernement et le respect des limites sont indispensables.
  • Une motivation à se former et à s’intégrer dans une équipe : Le travail en structure, la formation continue et la capacité à travailler avec des professionnels sont attendus.

Quelques chiffres clés

En 2021, on dénombrait une quinzaine de formations universitaires ou associatives en France, avec une sélection moyenne de 15 à 25 places par session (source : Santé mentale France). Le nombre de postulant·e·s dépasse souvent le nombre de places offertes – à Lyon, le DU Pair-aidance reçoit parfois plus de 60 candidatures pour une quinzaine de places.

Le processus de recrutement pour la formation de pair-aidant

Les candidats passent généralement par plusieurs étapes de sélection, dont :

  1. Dossier de candidature : Présentation du parcours, lettre de motivation, parfois un bilan de compétences ou l’attestation d’un professionnel (psychiatre, psychologue, travailleur social…).
  2. Entretien individuel : Rencontre avec un jury composé de professionnels et/ou de personnes pairs. L'objectif est d’évaluer la maturité, la capacité réflexive et la motivation sincère du postulant.
  3. Atelier collectif ou mise en situation : Certaines formations évaluent la capacité à interagir en groupe, à s’auto-évaluer, à exprimer ses limites.

On peut noter que, dans plusieurs cursus, la sélection accorde une grande importance à la diversité des profils : hommes, femmes, âges différents, troubles variés, parcours de vie singuliers. Il s’agit de favoriser la pluralité des expériences et de lutter contre la stigmatisation, y compris dans la sélection elle-même.

Les compétences et aptitudes attendues chez les candidats

Contrairement à un recrutement classique, le vécu personnel est ici une force. Mais ce vécu doit pouvoir être transmis sans s’y perdre soi-même.

  • Capacité d’introspection : Savoir raconter son histoire sans se (re)traumatiser, repérer ses forces et ses fragilités.
  • Capacité d’écoute et d’humilité : Accueillir le récit de l’autre, sans projeter sa propre trajectoire comme modèle unique.
  • Sens du collectif : Travailler en équipe, participer à la co-construction du soin, accepter la supervision et la coformation continue.
  • Respect du cadre et de la confidentialité : Maintenir une posture professionnelle, même quand le lien est informel et de pair à pair.

Des attentes formalisées dans de nombreuses certifications

Le diplôme universitaire de pair-aidance ou les formations proposées par l’AFTOC (Association Francophone des Troubles Obsessionnels Compulsifs), l’AQRP (Association québécoise pour la réadaptation psychosociale) ou Santé Mentale France, détaillent systématiquement les attendus comportementaux et positionnels des futurs pair-aidants (Santé Mentale France).

Modalités d’accès selon les organismes et territoires

Toutes les formations ne se valent pas : leur sélection varie selon l’organisme porteur, la région, voire la ville. Voici quelques distinctions notables :

  • Universités (DU ou DIU) : Sélection parfois plus académique (relevés, CV, test d’expression écrite), accès à de nombreux stages, diplôme reconnu.
  • Associations spécialisées : Démarche participative, accent sur l’expérience vécue, modules souvent courts (quelques semaines à plusieurs mois).
  • Structures sanitaires : Pérennisation de la pair-aidance en interne, avec un accompagnement sur mesure pour l’accès à la formation et la validation du poste.

En Auvergne Rhône-Alpes, plusieurs formations sont accessibles, comme le DU Pair-aidance de Lyon 1, ou la formation de pair-aidant à Grenoble proposée par l’association La Locomotive. La liste des formations s’élargit depuis le plan national de santé mentale 2018-2022 (source : Ministère des Solidarités et de la Santé).

Être "prêt" à candidater : comment savoir si c'est le bon moment ?

Des témoignages croisés mettent en lumière un enjeu majeur : l’accélération de son propre processus de rétablissement sous la pression de “faire une formation” peut générer du stress, voire un risque de rechute. Plusieurs candidats rapportent avoir préféré retarder leur inscription de quelques mois, voire d’une année, pour s’assurer d’être vraiment stabilisés et prêts à se confronter à l’expérience des autres, qui peut faire résonner leur propre histoire (source : rapport CCOMS 2022).

  • Se sentir à l’aise dans le partage, sans être dans la répétition douloureuse du passé
  • Avoir construit des ressources d’autosoins et un réseau de soutien fiable
  • Ne pas être sous la contrainte (prescription d’équipe, obligation extérieure…)

Ressources et pistes pour candidater

Pour celles et ceux qui souhaitent s’informer ou préparer leur candidature, plusieurs réseaux offrent des ressources gratuites et des webinaires :

Vers une reconnaissance et une généralisation progressive

L’accès à la formation de pair-aidant suppose bien plus qu’une expérience personnelle du trouble psychique : il requiert une capacité d’analyse, une maturation du parcours de vie, et l’envie profonde de s’impliquer auprès d’autrui. Les critères évoluent encore, car la professionnalisation du secteur continue : en 2024, un projet de certification professionnelle a été lancé, visant à reconnaître officiellement le métier de pair-aidant au RNCP (France Compétences).

La voie reste semée de défis pour une vraie inclusion. Manque d’information grand public, disparités territoriales, impact de la crise sanitaire sur la santé mentale… Pourtant, les initiatives locales et nationales montrent qu’une dynamique forte est engagée. S’engager dans une formation de pair-aidance, c’est avant tout rejoindre un mouvement collectif pour la valorisation des savoirs expérientiels, l’espoir du rétablissement, et la lutte contre l’isolement.

Celles et ceux qui souhaitent franchir ce cap trouveront dans la communauté grandissante des pairs-aidants non seulement un espace de reconnaissance, mais aussi une force motrice pour changer concrètement le visage de la santé mentale en France.

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