La pair-aidance en santé mentale : une dynamique qui prend racine

Face à l’importance croissante de la parole des personnes concernées dans les parcours de soin, la pair-aidance s’impose comme un nouvel acteur clé en santé mentale. En France, elle porte la volonté de faire reconnaître l’expérience comme une compétence à part entière, soutenue dans plusieurs régions, dont l’Auvergne Rhône-Alpes, par des programmes de formation structurants. La Haute Autorité de Santé (HAS) l’a d’ailleurs affirmé dans son rapport 2021 sur la participation des usagers : la montée en puissance de la pair-aidance transforme les pratiques et questionne la place du vécu au cœur du soin (source : HAS). La région Auvergne Rhône-Alpes, forte de près de 8 millions d’habitants, est particulièrement dynamique grâce à la mobilisation de collectifs, d’associations et d’établissements qui investissent la formation des futurs pairs-aidants.

Pourquoi (et pour qui) se former à la pair-aidance ?

  • Expérience vécue : Les formations accueillent en priorité les personnes ayant elles-mêmes traversé des troubles psychiques et engagées dans un processus de rétablissement.
  • Volonté d’accompagner : Les proches et aidants familiaux peuvent rejoindre certains dispositifs pour transformer leur vécu en force au service d’autrui.
  • Reconnaissance professionnelle : Se former permet d’intégrer les équipes de soin sous un statut reconnu (contrat de travail avec une fiche de poste spécifique, implication dans les établissements publics ou associatifs).
  • Développement personnel : Nombreux sont ceux qui y voient une étape clé pour conforter leur propre parcours de rétablissement.

En 2023, près de 400 personnes exerçaient la pair-aidance en France selon Santé Mentale France, un chiffre multiplié par trois en 5 ans. La majorité des nouveaux pairs-aidants ont suivi une formation adaptée avant leur prise de poste (source : "Repérage de la pair-aidance professionnelle en France", SMF).

Cartographie des principales formations régionales : dispositifs, acteurs et points clés

1. Le Diplôme Universitaire « Pair-aidance en santé mentale » (Université Lyon 2)

  • Public : Personnes concernées par des troubles psychiques ou des troubles du neurodéveloppement, proches, professionnels du soin.
  • Programme : 120 heures, en présentiel sur 1 an, alternant modules théoriques (rétablissement, droits, méthodologie d'accompagnement, approche par le rétablissement) et stages pratiques dans des établissements partenaires de la région.
  • Spécificité : Le choix d’un format long, intégrant un accompagnement individuel et collectif. Nombre de places limité à une quinzaine par promotion.
  • Insertion : Près de 70% des diplômés trouvent un poste d’accompagnant pair ou intègrent un dispositif d’entraide (chiffre Université Lyon 2, promotion 2021-2022).

2. La formation du CRPSY et des Centres d’accueil (Grenoble, Chambéry, Saint-Étienne)

  • Organisateur : Centre de Réhabilitation Psychosociale (CLARA à Lyon, CRPSY Grenoble) en partenariat avec les établissements de santé mentale locaux.
  • Public : Personnes en situation de rétablissement, généralement après un parcours en Centre de Réhabilitation.
  • Programme court : De 7 à 10 journées, sur plusieurs mois, dédiées aux fondamentaux de la pair-aidance (écoute, posture professionnelle, auto-soutien, travail en équipe).
  • Expérience terrain : Modules en binôme avec des professionnels, immersion en structure sociale ou hospitalière.
  • Résultat : Un réflexe d’engagement local : plus de 120 pairs ont été formés en Auvergne Rhône-Alpes via ces parcours courts entre 2021 et 2023 (source : CLARA).

3. Les formations portées par les associations d’usagers et de familles

  • UNAFAM Rhône-Alpes : propose chaque année une dizaine de journées de formation, avec parfois un accent sur la pair-aidance familiale.
  • Le GEM La Fourmilière (Lyon) : intervient dans la région avec des modules sur le soutien par les pairs, ouverts aux adhérents et non-adhérents.
  • Croix Rouge Formation : propose dans certaines antennes des formations gratuites ou à coût réduit pour les personnes en situation de précarité.

Dans la grande majorité des cas, ces formations sont co-construites avec des pairs-aidants en activité, garantissant ainsi une réelle adéquation avec les besoins du terrain.

Choisir sa formation : critères de qualité et questions à se poser

Le foisonnement de l’offre en région Auvergne Rhône-Alpes est une chance, mais il impose de bien choisir son parcours. Voici quelques critères à retenir :

  1. Supervision et suivi post-formation : Une formation sérieuse inclut souvent un temps de supervision ou de retour d’expérience après la prise de poste. Selon un rapport de la Fédépsy 2022, 60% des pairs-aidants regrettent un manque d’accompagnement après formation.
  2. Implication des pairs dans l’ingénierie de formation : Les plus plébiscitées restent celles conçues ET animées, en partie, par des personnes ayant elles-mêmes exercé ou exerçant actuellement la pair-aidance.
  3. Reconnaissance du diplôme ou attestation : Certaines formations universitaires apportent un diplôme reconnu sur le marché de l’emploi, ce qui favorise l’insertion professionnelle.
  4. Articulation avec un réseau d’acteurs : Un dispositif bien connecté (établissements de santé, GEM, associations, etc.) facilite souvent le passage de la formation à l’emploi.
  5. Ouverture à la diversité des publics : Les formations réservées à un seul type de trouble ou public sont parfois moins adaptées à une pratique réelle, où la diversité prime.

Impact et perspectives : la pair-aidance, moteur de transformation locale

À Lyon, Grenoble, Villeurbanne ou encore Annecy, les retombées concrètes de ces dispositifs de formation se mesurent par une dynamique de partenariat renouvelée. Plusieurs hôpitaux (Vinatier, Saint-Jean-de-Dieu) ont ainsi recruté leurs premiers pairs-aidants salariés, preuve d’une mutation des équipes vers plus d’horizontalité. Le Centre Hospitalier Le Vinatier, par exemple, compte aujourd’hui 9 pairs-aidants intégrés dans ses équipes de réhabilitation psychosociale (source CH Vinatier, 2023).

Les GEMs (Groupes d’Entraide Mutuelle), quant à eux, multiplient les ateliers animés par des pairs, ciblant l’accompagnement au logement, à l’emploi ou à la citoyenneté.

  • Selon l’ARS Auvergne Rhône-Alpes, on dénombre en 2023 plus de 35 structures employant ou accueillant régulièrement des pairs-aidants dans la région.
  • La dynamique régionale est telle que certains centres envisagent, d’ici 2026, de doubler le volume de paires-accompagnateurs formés, afin de répondre à la demande croissante (source : Fédération Santé mentale Rhône-Alpes).

Cette professionnalisation permet d’observer une évolution mesurable des changements apportés par la présence de pairs-aidants sur le terrain : meilleure adhésion aux parcours de soin, amélioration de la perception du rétablissement, moindre isolement, et parfois baisse du recours aux hospitalisations non programmées (source : rapport "Pair-aidance et évaluation", Psycom 2022). Le témoignage de Laura, pair-aidante à Saint-Étienne, illustre cette réalité : « J’ai constaté que le fait de partager mon expérience avec une personne en souffrance résonne plus fort que bien des messages théoriques. Ce lien suscite souvent un vrai déclic. »

Pistes pour aller plus loin : se former pour agir

  • Les établissements publics et les associations d’usagers proposent régulièrement des réunions d’information sur la pair-aidance. N’hésitez pas à contacter directement les CHS du Vinatier, CH Pierre Oudot (Bourgoin), ou encore les GEM régionaux pour avoir le calendrier des formations.
  • Pour obtenir des ressources complémentaires, Psycom met à disposition des fiches pratiques et des outils pédagogiques sur la pair-aidance.
  • Plusieurs MOOC d’initiation à la pair-aidance (gratuits ou à moindre coût), notamment via FUN-MOOC, viennent compléter l’offre présentielle : Pairs-aidants en santé mentale.

Le champ de la pair-aidance continue ainsi d’évoluer, porté par l’engagement collectif et un mouvement de fond pour replacer l’expérience des personnes concernées au centre. La formation régionale reste l’un des leviers majeurs pour consolider cette dynamique, professionnaliser les intervenants, et inscrire l’accompagnement par les pairs comme une composante essentielle du paysage de la santé mentale en Auvergne Rhône-Alpes.

Sources utilisées : Haute Autorité de Santé, Santé Mentale France, Université Lyon 2, CRPSY Grenoble, CLARA, UNAFAM, GEM La Fourmilière, Croix Rouge Formation, ARS Auvergne Rhône-Alpes, Centre Hospitalier Le Vinatier, Fédération Santé mentale Rhône-Alpes, Psycom, Fédépsy, FUN-MOOC.

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