L’essor de la formation à la pair-aidance en France : un mouvement récent et structuré

À l’image de pays pionniers comme le Canada ou l’Australie, la France a vu la pair-aidance s’organiser de façon plus visible à partir des années 2010. La première formation diplômante à la pair-aidance a été lancée à Lyon en 2012, sous forme de DU (Diplôme Universitaire). D’après l’ANAP (Agence nationale d’appui à la performance), plus de 600 professionnels pairs ont été formés à la pair-aidance d’ici 2023 (source ANAP).

Aujourd’hui, la formation de pair-aidant s'adresse à divers profils : personnes ayant vécu des troubles psychiques, usagers des dispositifs d'addictologie, proches aidants, personnes en situation de handicap psychique ou somatique. Les formats varient : diplômes universitaires, certificats, formations courtes modulaires, sessions intra-institutions… Cette diversité répond à une ambition double : professionnaliser la pair-aidance tout en la laissant accessible et flexible.

Les universités : pionnières de la formation diplômante en pair-aidance

Les premières formations reconnues, souvent sous forme de Diplômes d’Université (DU), ont été portées par plusieurs universités. Elles offrent une formation approfondie mêlant théorie et stage pratique, avec une sélection des candidats fondée avant tout sur l’expérience de vie et la motivation.

  • Université Lyon 1 – Le DU « Pair-aidance en santé mentale » : institue la toute première formation diplômante en France (ouverte en 2012), en partenariat avec le Centre hospitalier Le Vinatier. Ce cursus, d’une durée d’un an, apporte des compétences en soutien par les pairs, posture professionnelle, cadre éthique et animation d'ateliers. Plus de 200 personnes ont été diplômées depuis la création.
  • Université Paris 8 – DU Pair-aidance et innovation sociale en santé mentale : formation axée sur l’insertion des pairs-aidants à l’hôpital et dans les associations de patients, en mettant l’accent sur l’innovation en santé mentale.
  • Université de Tours – DU Pair-aidance en santé mentale : formation d’un an, avec des enseignements spécifiques sur la construction du savoir expérientiel et l’intervention en équipe pluridisciplinaire. Elle développe l’enjeu du travail en réseau et la reconnaissance professionnelle des pairs.
  • Université de Lille – DU Pair-aidance en santé mentale : allie théorie et immersion professionnelle, aussi ouvert aux proches-aidants.

D’autres universités comme Montpellier, Rennes ou Amiens développent aussi leurs propres cursus ou modules de formation. Les modalités d’admission reposent généralement sur :

  • L’expérience personnelle du trouble ou de l’accompagnement
  • Un entretien de motivation
  • Une lettre de soutien d’une structure ou d’un professionnel référent

Les organismes associatifs : une expertise de terrain et un ancrage « pair à pair »

Parmi les pionniers de la formation hors université, plusieurs grandes associations œuvrent depuis le terrain pour former, soutenir et accompagner l’engagement pair-aidant :

  • Association Francophone des Entendeurs de Voix (AFEV) : propose régulièrement des modules pour pairs-aidants centrés sur l’écoute de la parole de l’expérience, l’animation de groupes, et la transmission de la méthodologie. Ces formations sont ouvertes aussi bien aux usagers qu’aux proches ou professionnels.
  • Advocacy France : accompagnement, empowerment et transmission des outils d’auto-représentation sont au cœur de leurs formations, notamment au sein de collectifs associatifs et en institution.
  • UNAFAM (Union Nationale de Familles et Amis de Personnes Malades et/ou Handicapées Psychiques) : formations pour pairs-aidants proches bénévoles, incluant la posture, l’écoute active et la prévention de l’épuisement. L’UNAFAM propose aussi une formation ‘Pros’ spécifique aux intervenants en santé mentale qui souhaitent intégrer la participation des pairs.
  • Cercle Psy : formations centrées sur la pair-aidance dans la souffrance psychique, l’intervention en milieu ouvert, et la création de groupes d’entraide.

La spécificité de ces organismes est d’incarner au quotidien les valeurs de la pair-aidance : horizontalité, coconstruction, transmission d’expérience. Ils abritent bien souvent des équipes hybrides, mêlant pairs, psychologues, travailleurs sociaux, chercheurs et bénévoles.

Le secteur sanitaire et médico-social : de la formation interne à l’intégration professionnelle

Un mouvement important est observé dans les hôpitaux psychiatriques et les structures médico-sociales (maisons-relais, dispositifs Habitat Inclusif, ESAT, GEM, etc.), qui intègrent progressivement les pairs-aidants dans leurs équipes, parfois en créant eux-mêmes leurs propres modules de formation.

  • Les Centres Hospitaliers spécialisés : nombre d’entre eux (par exemple, Centre Hospitalier Le Vinatier à Lyon, Centre Hospitalier du Rouvray, Hôpitaux de Saint-Etienne) mettent en place des sessions pour former les pairs-aidants recrutés, leur fournir les bases de la médiation, de la sécurité, et leur permettre de trouver leur place dans les équipes pluridisciplinaires.
  • ANPAA (Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie) : propose des formations à la pair-aidance en addictologie, ouvertes à toutes personnes ayant vécu un trouble addictif et désireuses de s'impliquer dans l’accompagnement d’autrui.
  • Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM) : ces structures ancrées localement s'appuient sur des pairs-aidants et organisent parfois des ateliers de formation, notamment sur la prise de poste, l’animation et l’accompagnement entre membres.

Selon la Fédération nationale des dispositifs de réhabilitation psychosociale (FNDPSY), six établissements sur dix (chiffres 2022) ayant recours à un pair-aidant proposent ou financent une formation adaptée à leur activité (source : FNDPSY).

Les réseaux généralistes et les organismes privés : flexibilité et approche modulaire

L’offre privée et associative indépendante s’est enrichie de nouveaux acteurs ces dernières années, soucieux de rendre la formation plus souple et personnalisable. Quelques exemples :

  • CoActis Santé : déploie un large panel de formations, dont un module reconnu de pair-aidance dans le champ du handicap, conjuguant formation à distance et ateliers pratiques en groupes restreints.
  • Le Réseau National des Médiateurs de Santé-Pairs (RNMSP) : fédère plus de 150 pairs-aidants diplômés et développe des ressources et des sessions de formation continue en lien avec les partenaires institutionnels.
  • Ocellia (ex-ARFRIPS) : centre de formation sanitaire et social, propose des formations pour pairs-aidants intervenants dans le secteur du handicap psychique, avec des modules en présentiel ou à distance.

Ces organismes misent sur des approches adaptables et la transmission « par les pairs pour les pairs », sur des formats courts (de quelques jours à quelques semaines) ou sur-mesure, afin de répondre à la diversité des publics et des situations professionnelles.

Les critères pour choisir une formation : qualité, accès, insertion

Face à la diversité des offres, plusieurs critères aident à s’y retrouver :

  • Reconnaissance officielle : diplôme universitaire, titre inscrit au RNCP, certification ou attestation reconnue par les employeurs du secteur.
  • Qualité de l’accompagnement : présence d’un tuteur pair, nombre d’heures de stage en situation, supervision, évaluation continue.
  • Adéquation au projet : formation généraliste, spécialisation (addictologie, handicap, santé mentale, oncologie…), durée de la formation, inclusion de modules adaptés si besoin.

Le financement reste un enjeu central : certains cursus peuvent être pris en charge (CPF, financements institutionnels, projet de reconversion, Pôle Emploi, etc.), d’autres sont proposés à prix libre ou facilités pour les personnes en situation de précarité.

Recommandations pour se lancer, et perspectives en région Auvergne Rhône-Alpes

Il est conseillé de prendre le temps de rencontrer des pairs-aidants en poste ou en formation – dans des GEM, associations d’usagers, groupes de parole – et de s’informer lors des journées portes ouvertes, sur les sites des universités, ou via le dispositif Psycom, qui diffuse des annuaires actualisés et des témoignages (Psycom.org).

Dans la région Auvergne Rhône-Alpes, le réseau pair-aidant s’organise autour de structures comme le Centre Hospitalier Le Vinatier, le GEM Les Ateliers à Lyon, et la fédération régionale des GEM, qui relaient régulièrement les offres de formation et facilitent l’intégration professionnelle des personnes formées.

L’offre de formation n’a jamais été aussi vaste ni aussi plurielle, s’adaptant aux besoins des personnes concernées et des institutions. Que l’on souhaite devenir pair-aidant salarié, bénévole, intervenir en institution ou dans un GEM, il existe aujourd’hui de nombreux itinéraires de formation et de professionnalisation. Les acteurs engagés sur ce terrain travaillent désormais ensemble pour consolider le statut, soutenir la progression des pairs-aidants et ancrer solidement la pair-aidance dans notre système de santé. Une dynamique observée aussi bien au niveau national que dans les territoires.

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