Comprendre la pair-aidance : définition et principes

La pair-aidance est encore un concept jeune, mais bien ancré dans le paysage de la santé mentale française. Elle s’appuie sur la transmission et la reconnaissance de l’expérience vécue des personnes ayant traversé des troubles psychiques, et ayant par la suite amorcé un parcours de rétablissement. La pair-aidance propose une entraide entre “pairs” : des personnes passées par les mêmes réalités, formées pour accompagner d’autres usagers, de façon professionnelle ou bénévole. Elle se fonde sur des valeurs de réciprocité, d’égalité dans la relation d’aide, et de complémentarité avec les approches médicales classiques (France Assos Santé).

  • Reconnaissance des savoirs expérientiels
  • Promotion du pouvoir d’agir des personnes
  • Respect du rythme et du parcours de chacun
  • Dimension collective et d’entraide mutuelle

Le cadre institutionnel en Rhône-Alpes : état des lieux et spécificités

La région Auvergne Rhône-Alpes s’est illustrée par une politique volontariste en faveur de la pair-aidance, dans la continuité du Plan Psychiatrie et Santé Mentale 2018-2022. Le Rhône, département central de la région, concentre à la fois d’importantes ressources médicales et universitaires — comme le Centre Hospitalier Le Vinatier ou la Faculté de Médecine de Lyon — et un tissu associatif dense.

La dynamique institutionnelle se décline notamment à travers :

  • Les Services Hospitaliers : plusieurs équipes de secteurs du Rhône emploient des pairs-aidants, notamment à l’hôpital Le Vinatier (Bron), au CHU de Lyon, ou dans des Centres Médico-Psychologiques du territoire.
  • Le Dispositif Pair-aidance de l’ARS Auvergne Rhône-Alpes : Depuis 2018, l’Agence Régionale de Santé finance des expérimentations de pair-aidance, soutient la formation des pairs, et encourage la création de postes pérennes. En 2023, 43 pairs-aidants professionnels étaient recensés sur Rhône-Alpes au sein des établissements publics de santé mentale (Rapport ARS AURA 2023).
  • Le secteur associatif : des structures pionnières comme l’UNAFAM Rhône, le Centre Référent de Réhabilitation Psychosociale (CRRPS) de Lyon, ou l’association Advocacy France offrent une place croissante aux pair-aidants dans leurs dispositifs de soutien et de médiation.

Comment la pair-aidance se traduit concrètement dans le Rhône ?

Des initiatives en milieu hospitalier

Au Centre Hospitalier Le Vinatier, fleuron de la psychiatrie lyonnaise, le recrutement de pairs-aidants salariés a débuté dès 2017 au sein des équipes mobiles de réhabilitation psychosociale. En 2023, le Vinatier compte 9 pairs-aidants en CDI, intégrés principalement dans les équipes de soins, mais aussi dans des dispositifs transversaux (groupes de parole, médiation, ateliers d'éducation thérapeutique).

Quelques illustrations concrètes :

  • Coanimation de groupes de rétablissement basés sur la méthode WRAP (Wellness Recovery Action Plan), comme au secteur 69G28 : plus de 120 personnes accompagnées en 2022 (Association ARI).
  • Participation au staff de soin, échange de pratiques avec les équipes sociales et médicales.
  • Accompagnement individuel lors des séjours hospitaliers et dans la phase de sortie, afin de soutenir l’autonomie et la reprise des projets personnels.

La pair-aidance associative et citoyenne

Au-delà de l’hôpital, la pair-aidance s’intensifie dans le tissu associatif lyonnais. Advocacy Rhône, par exemple, s’appuie sur des personnes rétablies pour impulser des actions de plaidoyer et organiser des groupes de soutien entre pairs. L’association “Les Funambules”, elle, anime des ateliers d’expression artistique à destination de patients et de proches, créant une passerelle entre l’entraide, la déstigmatisation, et la prévention des rechutes.

Chiffre marquant : en 2023, 17 groupes de pairs animés bénévolement par d’anciens usagers ont été recensés dans le seul département du Rhône (source : UNAFAM Rhône).

Les lieux ressources et cafés pairs

La démarche de pair-aidance prend vie également dans des lieux informels, comme les « Cafés pairs » ou les Maison des Usagers. Par exemple, au sein du Pôle Hospitalier Saint-Jean de Dieu, un espace hebdomadaire dédié accueille en moyenne 15 personnes par séance, autour d’activités variées : discussions thématiques, échanges sur les droits des usagers, partages de vécus. De tels espaces favorisent un lien social adapté et ancré dans la vie quotidienne.

Quelles formations et quel statut pour les pairs-aidants dans le Rhône ?

La reconnaissance professionnelle de la pair-aidance évolue. Plusieurs organismes rhônalpins organisent des formations pour pairs-aidants : l’Institut de Formation des Professions de Santé de Lyon, l’École des Hautes Études en Santé Publique, ou encore le Centre Ressources Réhabilitation (CRRPS).

  • Formations initiales : courtes (de 40 à 70 heures), axées sur la communication, la posture professionnelle, la gestion du cadre.
  • Certifications universitaires : Diplôme Universitaire « Pair-aidance en santé mentale », proposé depuis 2021 par l’Université Lyon 1, en partenariat avec l’ARS et le CRRPS (environ 30 places/an).

Statut : sur le terrain, il existe encore des disparités. Les pairs recrutés dans la fonction publique hospitalière bénéficient, selon la grille, du statut d’Agent de Service Hospitalier ou équivalent, souvent en Contrat à Durée Déterminée. Toutefois, la sécurisation des postes progressait en 2023, avec déjà 24 titulaires sur le département du Rhône.

La perception et l’impact sur les usagers et les équipes

Les retours sur la pair-aidance sont globalement très positifs. Les usagers témoignent d’une diminution du sentiment d’isolement, d’une confiance retrouvée, et d’un accès facilité à des informations pratiques et fiables. Dans une enquête menée par Advocacy Rhône en 2022 auprès de 67 bénéficiaires, 81 % affirment avoir ressenti que la parole du pair-aidant les avait aidés à envisager l’avenir différemment.

Pour les équipes soignantes, la présence des pairs favorise une transformation progressive des pratiques et un décloisonnement du regard professionnel. Pourtant, des résistances subsistent : nécessité de clarifier le rôle du pair, crainte d’un brouillage des limites, ou difficulté à reconnaître l'expertise issue de l’expérience (Revue Santé Mentale). Ces freins tendent à s’atténuer avec le temps, lorsque la pair-aidance s’installe dans la durée et que ses effets se font sentir dans la dynamique d’équipe.

Défis actuels et perspectives d’avenir

Si la dynamique est engagée, plusieurs défis demeurent pour une implémentation pérenne de la pair-aidance dans le Rhône :

  • Reconnaissance pleine et entière des compétences des pairs, notamment par la valorisation salariale et l’intégration de postes dédiés dans les organigrammes hospitaliers.
  • Risque de « récupération institutionnelle » : préserver l’authenticité de la posture de pair, sans l’absorber dans une logique purement soignante ou normée.
  • Articulation entre pairs salariés à l’hôpital et pairs actifs dans le tissu associatif, pour garantir une complémentarité et un continuum d’accompagnement.
  • Développement de groupes d’analyse des pratiques, du soutien aux pairs eux-mêmes, et d’espaces d’expression collective pour lutter contre l’isolement des intervenants (Recensement UNAFAM Rhône 2023).

D’autres chantiers s’ouvrent : renforcer la place des pairs dans les dispositifs de formation des professionnels, élargir l’accès à la pair-aidance dans les zones péri-urbaines ou rurales du Rhône, et accélérer la recherche sur l’impact de ces dispositifs.

Pour aller plus loin — ressources et initiatives notables

  • Centre Ressources Réhabilitation (CRRPS) Lyon : Présentation de la pair-aidance
  • UNAFAM Rhône : Groupes d’entraide et d’accompagnement des familles
  • Rapport ARS Auvergne Rhône-Alpes 2023 : Données régionales sur la santé mentale et l’inclusion
  • Diplôme Universitaire Pair-aidance Lyon 1 : Formation spécialisée pour pairs-aidants
  • Revue Santé Mentale : Témoignages de pairs et analyses de dispositifs

Grâce à l’action conjuguée des acteurs institutionnels, associatifs et des premiers concernés, la pair-aidance s’impose comme une réalité vivante dans le Rhône. Elle contribue à faire évoluer le regard sur la santé mentale, redonne du sens à la notion de rétablissement, et ouvre la voie à des approches collaboratives toujours plus inclusives.

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