Les compétences incontournables pour devenir pair-aidant

La pair-aidance ne s’improvise pas : elle mobilise des compétences spécifiques, au croisement de l’expérience personnelle du trouble psychique et de savoir-faire relationnels, pédagogiques, éthiques. Selon le CReHPsy Auvergne-Rhône-Alpes et l’Association Française des Médiateurs de Santé-Pairs (AFMSP), les compétences attendues à l’issue de la formation comprennent :

  • Capacité à partager son expérience de manière constructive, dans le respect et sans imposer son modèle.
  • Compétences relationnelles : écoute active, empathie, respect de l’autre et de la confidentialité.
  • Gestion de la distance juste entre soutien, partage, et autonomie du bénéficiaire.
  • Capacité d’analyse : recul sur sa propre expérience, identification des facteurs de vulnérabilité et de rétablissement.
  • Travail en équipe pluridisciplinaire : communication avec les soignants, posture professionnelle, gestion des limites du rôle.
  • Animation d’ateliers, co-construction de projets, participation à l’accompagnement individuel ou collectif.

Qui forme les pairs-aidants ? Les organismes en France

La professionnalisation de la pair-aidance en France s’est structurée autour de plusieurs organismes de référence :

  • Le CReHPsy Auvergne-Rhône-Alpes, qui a été pionnier en proposant la certification officielle "Médiateur de santé-pair".
  • L’UNAFAM et l’Association Santé Mentale France, qui proposent des formations régionales ou nationales pour pairs-aidants et bénévoles.
  • L’AFMSP, qui accompagne le développement professionnel des médiateurs de santé-pair.
  • Le CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers), porteur du Certificat de Compétence « Pair-aidance en santé mentale » dans plusieurs régions pilotes.
  • Des universités et centres hospitaliers universitaires (ex : Université Paris-Est Créteil, CHU de Nantes), organisant des DU et DIU en pair-aidance en santé mentale.

D’autres initiatives locales et expérimentales voient le jour au sein de Centres Référents de réhabilitation psychosociale, associant parfois des acteurs du champ social, médicosocial et du handicap.

Une formation riche et pragmatique : le contenu au cœur du parcours

Le programme pédagogique est pensé pour équilibrer apprentissages théoriques, développement personnel, et mises en pratique. D’après les référentiels du CReHPsy ARA et du CNAM :

  • Fondamentaux de la santé mentale : connaissances sur les troubles psychiques, les parcours de soins, le processus de rétablissement, les droits et devoirs du patient.
  • Sensibilisation au concept de rétablissement, histoire et actualités du mouvement des pairs-aidants en France et à l’étranger.
  • Partage de l’expérience vécue : méthodes de récit de vie, ajustement du témoignage selon l’environnement (bénéficiaires, professionnels, institutions).
  • Soutien par les pairs : posture d’aide, accompagnement dans la relation, repérage des fragilités, orientation éventuelle vers les professionnels.
  • Pratiques collaboratives et travail en équipe pluridisciplinaire : gestion de la place du pair-aidant, articulation avec les soignants.
  • Déontologie, éthique, cadre juridique de l’intervention en santé mentale.
  • Ateliers pratiques et mises en situation réelle (groupes de parole, ateliers d’écriture, médiations artistiques, etc.).

Modalités : durée et formats des formations

Les formations de pair-aidant varient selon les dispositifs et la vocation : formation à la pair-aidance bénévole, ou cursus de "médiateur de santé-pair" certifiant. À titre d’exemple :

  • Le DU Pair-aidance en santé mentale (Université de Nantes, Paris-Est Créteil ou Lyon 1) s’étale sur environ 120 à 150 heures de formation réparties sur une année universitaire, avec alternance de sessions en présentiel, distanciel, et stages pratiques en établissement.
  • Le Certificat de compétence CNAM comprend environ 160 heures de formation et au moins 140 heures de stage pratique sur six à huit mois.
  • Formations associatives UNAFAM ou CReHPsy durent généralement de 10 à 25 jours étalés sur plusieurs mois.

Le format est résolument hybride : sessions collectives, modules à distance, groupes de pairs, guidance individuelle, stage terrain… L’adaptation aux besoins spécifiques et au rythme des personnes concernées est une priorité.

Conditions d’accès : qui peut devenir pair-aidant ?

Le critère fondamental est d’avoir une expérience vécue importante avec un trouble psychique : schizophrénie, troubles bipolaires, dépression sévère, trouble borderline, etc. D’autres conditions s’appliquent, variables selon les formations :

  • Rétablissement stabilisé ou phase avancée de rétablissement, capacité de recul sur son parcours.
  • Désir affirmé de transformation de son expérience en soutien pour autrui.
  • Âge minimum (généralement 18 ans).
  • Parfois, une pré-sélection sur dossier et entretien de motivation (lettre de motivation, rencontre avec référent pédagogique, témoignage).
  • Dans le cas du titre professionnel Médiateur de Santé-Pair (CReHPsy, CNAM), statut de demandeur d’emploi ou bénéficiaire du RSA peut être privilégié pour accéder à certains financements publics.

Il n’est pas obligatoire d’avoir une formation universitaire initiale, l’accent est mis sur la motivation, la clarté du projet, et les capacités à se projeter dans une posture d’aide.

L’évaluation du parcours en formation de pair-aidant

L’évaluation se construit en cohérence avec l’approche inclusive et participative de la pair-aidance. Loin d’être strictement académique, elle fait une large place à l’auto-évaluation, au retour des pairs, et à des productions concrètes :

  • Validation de blocs de compétences à travers des mises en situation, jeux de rôle, conduites d’ateliers.
  • Dossiers réflexifs : analyse de son parcours et de sa posture en situation d’accompagnement.
  • Évaluation du stage terrain sur la capacité d’intégration à une équipe professionnelle et un service.
  • Présentation orale devant jury constitué de pairs et de professionnels.
  • Dans certains DU ou certificats, épreuve écrite ou mémoire sur une problématique de pair-aidance, soutenance orale.

L’enjeu n’est pas de “classer” mais d’accompagner la montée en compétences, avec une attention particulière à la sécurité émotionnelle et à la valorisation du chemin parcouru.

Valoriser l’expérience personnelle : pilier de la formation

La singularité de la pair-aidance tient à la place centrale de l’expérience vécue du trouble psychique. Dès la phase de recrutement, puis tout au long de la formation, cette expérience est abordée comme ressource, non comme “manque”. Concrètement :

  • Groupes d’analyse de pratique fondés sur le vécu personnel.
  • Temps de récit de vie, retour sur les avancées et les rechutes, identification des leviers de rétablissement.
  • Partage structuré d’outils et de stratégies de coping expérimentés en première personne.
  • Relecture du parcours en termes de compétences transférables (résilience, autonomie, gestion de crise, etc.).

Cette valorisation permet non seulement de renforcer la confiance des pairs-aidants en formation, mais elle contribue aussi à transformer le regard porté sur la maladie et le soin, au sein même des équipes.

Financement de la formation : quelles possibilités ?

Le financement constitue un enjeu majeur pour l’accessibilité de la formation de pair-aidant, d’autant que la plupart des candidats ne disposent pas de financements personnels. À ce jour, plusieurs dispositifs existent :

  • Financements publics Région, Pôle Emploi, ou Fonds de Formation (notamment pour les demandeurs d’emploi ou bénéficiaires de minima sociaux, via le plan d’investissement dans les compétences).
  • Financement par l’employeur pour les personnes déjà en poste dans une structure de santé ou médico-sociale, dans le cadre de la formation continue.
  • Financements associatifs ou appels à projet (UNAFAM, Fondation de France, Fondation Pierre Deniker pour la recherche et la prévention en santé mentale, etc.).
  • Prise en charge individuelle : Certains DU restent onéreux (de 700 à plus de 2 000 € en 2024 selon les établissements), mais des aides sociales et bourses existent.

À noter : l’organisation de la prise en charge varie fortement d’une région à l’autre, l’Auvergne Rhône-Alpes étant particulièrement en avance sur la structuration de l’offre de formation financée (source : CReHPsy ARA, rapport 2023).

Perspectives et débouchés après la formation

La formation de pair-aidant ouvre sur des possibilités d’intervention diverses et croissantes. Les pairs-aidants diplômés peuvent exercer :

  • Dans les établissements de santé mentale publics ou privés, en tant que Médiateur de Santé-Pair salarié ou intervenant.
  • En associations de patients et d’usagers (UNAFAM, GEM, clubs thérapeutiques, etc.), au sein d’équipes de soutien par les pairs.
  • Dans des dispositifs de réhabilitation psychosociale, d’insertion, de prévention, ou d’accompagnement en milieu ouvert.
  • En tant que formateur de pairs, intervenant sur d’autres parcours de formation ou sensibilisation à la santé mentale.
  • Participation à la recherche, à l’évaluation des pratiques et à l’innovation dans les politiques publiques (expériences Pairs-chercheurs, étude Rehpic, etc.).

En 2022, plus de 250 pairs-aidants professionnels (médiateurs de santé-pair) étaient insérés dans des structures en France, un chiffre en augmentation de 15% par an (source : AFMSP).

Une dynamique à encourager, au service d’une santé mentale inclusive

Le parcours de formation de pair-aidant bouleverse les lignes habituelles entre professionnels et personnes concernées. Il permet de donner une légitimité, des outils et des perspectives à celles et ceux qui souhaitent transformer leur épreuve en force d’entraide. Privilégiant le partage, le respect, la co-construction, la formation de pair-aidant s’impose comme l’un des leviers majeurs pour bâtir une santé mentale basée sur l’empowerment des usagers. Alors que l’offre évolue rapidement et que les besoins de pairs-aidants formés croissent chaque année, cette démarche représente un marqueur d’innovation et d’inclusion à suivre – et, pour beaucoup, un chemin de résilience active.

Sources :

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