Pair-aidance : un rapide rappel des fondamentaux

La pair-aidance en santé mentale désigne l’accompagnement entre des personnes partageant une expérience vécue de la souffrance psychique ou du rétablissement. Les « pairs-aidants », salariés ou bénévoles, interviennent dans différents dispositifs de soins, d’accompagnement social ou associatifs. Leur rôle diffère de celui des professionnels de santé : il est centré sur le partage d’expérience et l’espoir du rétablissement, non sur l’expertise médicale.

Reconnu officiellement depuis 2011 (« médiateur de santé-pair »), ce métier est désormais encadré par des formations spécifiques, généralement portées par les Universités ou de grandes structures sociales comme l’Association Nationale des Médiateurs de Santé-Pair (ANM-Santé).

Quelle durée pour une formation de pair-aidant ?

Il n’existe pas, à ce jour, une formation unique et obligatoire au niveau national. Plusieurs formats existent et la durée varie de manière significative selon le cursus proposé et la mission visée. Toutefois, quelques repères majeurs se dégagent :

  • Formations universitaires diplômantes (“Médiateur de santé-pair”) : La formation la plus reconnue à ce jour demeure le D.U. (Diplôme Universitaire) Médiateur de santé-pair organisé notamment par l’Université Paris-Est Créteil (UPEC), en partenariat avec l’ANM-Santé. Elle s’étend sur un an : 245 heures de cours et 420 heures de stage, soit environ 9 à 10 mois, à raison d’une semaine par mois de formation théorique. (ANM-Santé)
  • Formations courtes ou modules d’introduction : Certaines associations et collectivités proposent des sessions plus brèves, généralement de 4 à 8 jours (28 à 56h), avec un format réparti sur plusieurs semaines. Ces formations visent surtout une montée en compétences sur la pair-aidance informelle ou la pair-aidance associative bénévole plutôt que l’accès à la profession salariale.
  • Agrément et emploi : Bien que les DU constituent la “voie royale”, certaines structures acceptent des pairs-aidants salariés ou bénévoles ayant suivi les modules associatifs plus courts, notamment en milieu associatif ou dans des projets pilotes (source : CNSA).

À noter : en 2023, plus de 400 pairs ont été diplômés en France par ce cursus universitaire, avec une tendance à l’augmentation. Autre fait marquant : la liste d’attente pour intégrer ces formations s’étend sur plusieurs mois dans certains territoires.

Le format pédagogique : théorie, pratique… et accompagnement individuel

Quelles sont les composantes d’une formation de pair-aidant ? Au-delà de sa durée, son contenu et ses modalités pratiques sont déterminantes.

  • Un tronc commun de connaissances et de compétences :
    • Approches du rétablissement et empowerment
    • Histoire de la pair-aidance, cadre éthique et périmètres d’intervention
    • Communication (écoute active, gestion du cadre relationnel, posture professionnelle…)
    • Co-construction et animation de groupes (Groupes d’Entraide Mutuelle, ateliers, etc.)
    • Connaissance des dispositifs sanitaires et sociaux existants
  • Un volet pratique majeur : le stage Indispensable, la formation universitaire prévoit un stage de 420 heures, en immersion dans un établissement de soins, un GEM ou une structure sociale. Ce temps “sur le terrain” représente souvent plus de la moitié de la formation. Les modules courts incluent également des mises en situation et des retours d’expériences collectifs.
  • Un suivi individuel et collectif : le retour réflexif (portfolio, supervision, groupes d’analyse des pratiques) occupe une place clef : il permet au futur pair-aidant de prendre de la distance, d’identifier ses points forts comme ses limites, et d’acquérir progressivement une posture professionnelle spécifique.

À souligner : les formateurs sont eux-mêmes, pour la moitié au moins, issus de la pair-aidance ou du monde associatif. Cette “formation par les pairs” alimente une identification positive et participative. (Ministère de la Santé – Rapport Pair-aidance)

Modalités d’accès et inclusivité des formations : critères et conditions

Intégrer une formation de pair-aidant implique quelques critères communs, selon la plupart des organismes :

  • Être soi-même concerné par des troubles psychiques (expérience personnelle ou familiale)
  • Avoir entamé un processus de rétablissement stabilisé (en général, au moins 2 ans après les premières difficultés majeures)
  • Montrer une volonté d’engagement et une capacité à se mobiliser en collectif
  • Parfois, justifier d'un niveau BAC ou d’une expérience associative équivalente

La plupart des organismes proposent des entretien(s) de motivation et, souvent, prévoient des modules d’intégration/d’approche pour évaluer la pertinence du projet. À Lyon et dans la région Rhône-Alpes, le programme du Réseau UNAFAM s’est adapté ces dernières années : il propose, en plus du DU, des modules courts pour pairs-aidants en GEM, en ESAT ou dans l’habitat inclusif.

Point important : la mixité au sein des promotions (âge, genres, origines, parcours et types de troubles traversés) contribue à la richesse des débats et à la solidité de l’apprentissage.

Distanciel, présentiel, alternance : quels formats privilégier ?

Depuis la pandémie de Covid-19, certaines institutions expérimentent des modules en distanciel ou hybride. Or, la majorité des formations universitaires privilégient encore le présentiel, pour favoriser l’entraide, les interactions directes et la dynamique de groupe (source : IGAS – Rapport Pair-aidance 2023). Cependant :

  • Les modules d’introduction (sensibilisation, découverte) se déroulent parfois entièrement à distance (webinaires, MOOC).
  • Le distanciel peut faciliter la participation des personnes vivant en zone rurale ou éloignée, mais le risque d’isolement ou de décrochage reste réel.
  • Les retours d’expérience montrent un engouement particulier pour la formation “en alternance” (1 semaine par mois en formation, le reste du temps sur le terrain), pour son équilibre entre théorie et pratique.

La diversité des formats répond donc à la variété des situations et des profils de futurs pairs, mais le lien humain demeure central.

Un aperçu des formations en Auvergne Rhône-Alpes

Dans la région, l’Université Lyon 2 organise chaque année une session du D.U. Médiateur de santé-pair. Par ailleurs, des associations telles que La Fédé (Grenoble), Santé Mentale France ou l’ARHM développent des cycles de formation à la pair-aidance en formats courts ou ateliers de co-apprentissage (Université Lyon 2, Santé Mentale France).

  • D.U. Lyon 2 : 1 an, 9 à 10 sessions de 4 à 5 jours par mois, 300 h de stage, accompagnement et validation par mémoire.
  • Modules associatifs : 5 à 8 jours, participation parfois gratuite pour membres d’associations, avec mises en situation collectives et ateliers de partage de vécu.

À noter également l’existence de groupes d’analyse des pratiques ouverts aux pairs, même hors cursus officiel. Un format souple, qui permet de continuer à se former tout au long de sa pratique.

Quels critères pour choisir une formation de qualité ?

  • Reconnaissance du diplôme : le D.U. Médiateur de santé-pair demeure la référence nationale pour un emploi salarié.
  • Part d’expérience terrain : privilégier les formations incluant un stage ou, à défaut, des ateliers pratiques supervisés.
  • Accompagnement individuel : tutorat, supervision, dispositif de retour réflexif.
  • Place donnée à la diversité des expériences (trouble, âge, milieu d’origine…)
  • Équipe de formation mixte : présence de pairs expérimentés et de professionnels de santé.

La certification Qualiopi est également un gage de sérieux pour certaines formations courtes, tout comme l’implication d’associations reconnues (UNAFAM, Fondation Deniker, Santé Mentale France).

Perspectives et évolutions : une structuration qui reste à construire

La question de la durée idéale d’une formation à la pair-aidance est encore en débat. Beaucoup d’acteurs revendiquent une nécessaire diversification des formats, pour répondre aux besoins des différents terrains (hôpital, associatif, insertion, etc.). Les pouvoirs publics s’orientent progressivement vers une ré-affirmation du cursus du D.U., tout en valorisant la formation continue et le compagnonnage. La mobilisation en région Auvergne Rhône-Alpes participe à cette dynamique collective.

Dans tous les cas, le succès d’une formation ne se limite ni à la durée ni au diplôme : il tient aussi à l’engagement, à l’entraide, à la reconnaissance mutuelle au sein des groupes, et à l’accompagnement de chaque pair dans son parcours de rétablissement et de transmission.

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