Définition et rôle du pair-aidant diplômé

Le pair-aidant est une personne ayant une expérience vécue du trouble psychique qui, après une formation spécifique, intervient professionnellement auprès des usagers dans les structures de soins ou médico-sociales. Le diplôme universitaire (DU) de pair-aidance, proposé pour la première fois en 2012 à Marseille, s’est aujourd’hui étendu avec une dizaine d’universités qui forment chaque année plusieurs cohortes de nouveaux professionnels (source : OCNAM, 2023).

Le pair-aidant diplômé partage ses savoirs expérientiels, soutient le rétablissement, favorise l’empowerment, guide à travers les méandres du système de santé et fait vivre, au quotidien, une vision de la santé mentale fondée sur la coopération et la réciprocité.

Emploi après la formation : un secteur aux contours mouvants

Le déploiement du métier de pair-aidant salarié en France reste récent : environ 600 pairs-aidants occupent à ce jour un poste rémunéré dans le secteur public, privé ou associatif (source : CCOMS, 2022). Les recrutements concernent surtout les établissements de santé mentale, les Maisons des Usagers, les équipes mobiles psychia­trie-précarité, ou certaines structures d’accompagnement social.

Voici les principaux débouchés post-formation :

  • Centres hospitaliers et pôles psychiatrie : Les Établissements Publics de Santé Mentale (EPSM), les Centres Hospitaliers Spécialisés (CHS) ainsi qu'une vingtaine d'hôpitaux généraux proposent de plus en plus d'emplois contractualisés de pairs-aidants. Les missions varient : intervention en unité d’hospitalisation, participation au Conseil de Vie Sociale, facilitation de groupes de parole, etc.
  • Associations d’usagers et structures communautaires : L’UNAFAM, Advocacy, les GEM (Groupes d’Entraide Mutuelle) et d’autres associations recrutent régulièrement des pairs-aidants pour animer des ateliers ou accompagner l’auto-support.
  • Médico-social et dispositifs innovants : Les plateformes de réhabilitation psychosociale, les dispositifs d'Habitat inclusif, ou certaines structures comme les Centres d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel (CATTP) engagent ponctuellement des pairs-professionnels, notamment dans l’accompagnement à la vie autonome.

Des contrats précaires, des cadres inégaux

Le statut du pair-aidant reste encore peu stabilisé en France : selon l’enquête du Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé (CCOMS) menée en 2021, moins de 60 % des pairs-aidants bénéficient d’un contrat pérenne ou d’un CDI. Les autres voient leur engagement limité à des CDD parfois annuels, voire à des vacations.

Le salaire, variant de 1200 à 1900 euros nets mensuels (CCOMS, 2022), dépend du type d’établissement, du temps travaillé, de la grille statutaire ou bien – dans le secteur associatif – du financement de projets spécifiques. À ce jour, aucune convention collective nationale n’encadre de façon uniforme le statut du pair-aidant diplômé, causant des disparités de reconnaissance, d’accès à la formation continue et d’évolution de carrière.

Des obstacles structurels persistants

Les pairs-aidants diplômés témoignent de plusieurs freins dans leur intégration et leur progression :

  • La méconnaissance du métier : De nombreux professionnels de santé restent encore peu familiarisés avec l’apport et la spécificité du rôle du pair-aidant, ce qui accentue parfois la difficulté à légitimer leur fonction auprès des équipes.
  • L’absence de perspectives d’évolution : Peu d’établissements proposent des parcours professionnels ou des promotions dédiés aux pairs-aidants, en dehors de quelques cas pionniers, notamment à Lyon ou à Paris où certaines conventions internes prévoient une montée en compétences (source : Psycom, 2023).
  • L’isolement professionnel : Certains pairs-aidants sont recrutés seuls au sein de leur équipe. Ce manque de collectif nuit à la dynamique de soutien entre pairs et fragilise leur posture.
  • Le risque de surcharge émotionnelle : Issue de leur expérience de rétablissement, cette proximité avec la souffrance des usagers peut exposer à des risques de burn-out si aucun accompagnement ou supervision n’est proposé.

Des initiatives inspirantes pour renforcer l’ancrage professionnel

Malgré ces obstacles, de nouvelles dynamiques émergent pour consolider la place du pair-aidant diplômé :

  • Développement des référents pairs-aidance : Plusieurs établissements pionniers, tels le CHU de Grenoble ou le Centre Hospitalier Le Vinatier à Lyon, ont mis en place des binômes ou équipes de pairs-aidants, encadrés par des référents issus eux-mêmes de la pair-aidance.
  • Portage de projets par les pairs : Certains pairs-aidants diplômés créent ou coordonnent eux-mêmes des projets innovants : groupes de parole pour jeunes adultes, médiation par les pairs, ateliers d’auto-support numérique, etc. Ces initiatives se diffusent via des réseaux nationaux comme le Réseau Santé Mentale France (RSMF).
  • Création de réseaux et collectifs : En Auvergne Rhône-Alpes comme ailleurs, des collectifs de pairs-aidants s’organisent pour favoriser le partage d’expériences, la prévention des risques professionnels, et l’accès à la formation continue.

L’intégration croissante dans les politiques publiques

Depuis 2018, la pair-aidance figure dans les recommandations de la Haute Autorité de Santé et dans la feuille de route gouvernementale « Santé mentale et psychiatrie 2018-2022 », qui préconisent son développement au sein des dispositifs de soins, d’accompagnement et de réhabilitation. En 2021, près de 80 % des ARS avaient activé au moins un projet pilote intégrant des pairs-aidants diplômés (source : HAS).

Des appels à projets en région ont permis de financer une croissance régulière du nombre de postes, même si cette expansion dépend encore souvent de fonds temporaires ou de projets de recherche-action.

Les pairs-aidants, moteurs de transformation malgré les incertitudes

Les pairs-aidants diplômés contribuent activement à la transformation de la culture soignante, à la lutte contre la stigmatisation et à la démocratisation du savoir expérientiel. Leur position unique, à la croisée du vécu et du professionnel, leur permet :

  • de défendre la parole des usagers dans les conseils d’établissement,
  • de promouvoir une meilleure inclusion,
  • de participer à la formation des soignants,
  • de co-construire des démarches d’autonomisation ou d’aller-vers en psychiatrie.

Certaines études, comme celle pilotée par le Centre Collaborateur de l’OMS France en 2022, montrent que la présence d’un pair-aidant diplômé au sein d’une équipe améliore la satisfaction des usagers de 30 % et réduit les durées d’hospitalisation de 20 % dans les unités concernées.

Des horizons à inventer : vers la reconnaissance et la stabilisation du métier

Pour que la professionnalisation des pairs-aidants diplômés progresse, plusieurs enjeux restent à relever :

  • Mettre en place une convention collective nationale qui protège leur statut particulier,
  • Développer une offre de formation continue adaptée,
  • Valoriser la co-construction des pratiques autour du rétablissement avec tous les acteurs de la santé mentale,
  • Lutter activement contre la précarité contractuelle,
  • Soutenir la recherche sur la pair-aidance et rendre visibles ses impacts.

Le métier de pair-aidant diplômé est encore jeune, parfois fragilisé mais porteur d’une force de transformation indispensable. Les perspectives qui s’ouvrent nécessitent la mobilisation de l’ensemble des acteurs : usagers, pairs, soignants, décideurs, familles et citoyens. Forte de son ancrage régional et national, la communauté des pairs-aidants pousse déjà les lignes, inventant chaque jour un champ professionnel à leur mesure — et à celle du soin réinventé.

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