WRAP : une approche née de l’expérience, au service de l’autonomie

La santé mentale n’est pas un parcours tracé à l’avance. Chacun avance à son rythme, avec des ressources, des obstacles et des solutions qui lui sont propres. La méthode WRAP (Wellness Recovery Action Plan) s’inscrit dans cette dynamique : elle a été conçue à la fin des années 1990 par Mary Ellen Copeland, chercheuse et pairs américaine, en réponse à un constat partagé par de nombreux groupes d’entraide aux États-Unis. Ces groupes avaient un objectif commun : reprendre du pouvoir sur leur vie malgré la souffrance psychique.

Depuis, WRAP a essaimé dans le monde entier. Selon le Copeland Center, plus de 250 000 personnes dans une trentaine de pays ont suivi une formation WRAP, et des milliers d’organisations en santé mentale proposent ce programme aujourd’hui (Copeland Center).

Les principes fondateurs du WRAP

Le WRAP n’est ni un manuel de référence, ni une “boîte à outils” impersonnelle. Il s’appuie sur plusieurs principes-clés, qui le distinguent des approches classiques en santé mentale :

  • L’expérience au centre : chaque personne est experte de sa vie et de son rétablissement.
  • Autodétermination : la personne définit elle-même ses priorités, ses stratégies et ses objectifs.
  • Respect : le respect mutuel est à la base de toute démarche WRAP.
  • Entraide et soutien entre pairs : l’animation en groupe et l’accompagnement par des personnes concernées sont fortement encouragés.
  • Espoir : le rétablissement, même s’il n’est pas linéaire, est atteint par de nombreuses personnes avec des troubles psychiques.

Cette philosophie oriente l’ensemble du processus WRAP, depuis la création du plan jusqu’à son application quotidienne.

Déroulement d’un atelier WRAP : étapes et outils

Un atelier WRAP se déploie en plusieurs étapes qui forment un fil conducteur. Il n’impose aucune solution toute faite, mais propose un cadre souple pour accompagner la personne à mobiliser ses propres ressources et identifier ses signaux d’alerte.

  • 1. Les outils du bien-être quotidien Le participant recense toutes les activités et ressources qui l’aident à se maintenir en équilibre : marcher, écouter de la musique, tenir un journal, voir un pair, etc.
  • 2. Élaborer son “plan d’action au quotidien” Le WRAP aide à organiser ces outils en routines et habitudes à cultiver pour prévenir la crise.
  • 3. Reconnaître les déclencheurs Chacun apprend à identifier les événements ou situations susceptibles de fragiliser son état — stress, conflits, événements de vie —, puis à anticiper comment y répondre.
  • 4. Signaux précoces de déstabilisation Il s’agit ici d’observer les premiers signes personnels de malaise (anxiété, troubles du sommeil, irritabilité…) qui précèdent une rechute, pour agir avant la dégradation.
  • 5. Signaux de crise Les personnes identifient concrètement les signes qui marquent une véritable crise et ce qu’elles souhaitent alors que les autres mettent en place pour les soutenir.
  • 6. Plan d’urgence** Le plan d’urgence détaille les contacts à prévenir, les lieux sûrs, les mesures de protection et le type d’aide souhaité. Ce plan protège l’autonomie de la personne lors de moments où elle ne peut plus exprimer ses choix.

Comment se passe un atelier WRAP ?

Les ateliers WRAP se pratiquent par petits groupes (5 à 15 personnes), souvent animés par un·e ou deux pairs-aidant·e·s formés·es. Ces rencontres peuvent durer de quelques séances à plusieurs semaines. Chacun élabore son plan dans une démarche individuelle, mais bénéficie de l’effet de groupe : identification, inspiration, entraide.

La confidentialité, le respect et la sécurité psychologique sont les socles du groupe. Chacun reste libre de partager ou non son expérience.

Étonnamment, le WRAP n’est pas réservé aux personnes vivant avec des troubles psychiques : des adaptations existent pour les familles, les proches, et même des contextes professionnels (prévention du burn-out, résilience collective).

Un outil validé, efficace et transposable

Contrairement à de nombreux outils en santé mentale, WRAP a fait l’objet d’évaluations sérieuses :

  • Une étude américaine menée sur plus de 519 participants en 2010 a montré que le WRAP réduisait de 49% les symptômes dépressifs à 6 mois et renforçait l’espoir, l’estime de soi, ainsi que l’autonomie décisionnelle (Cook JA, Copeland ME et al., Psychiatric Services, 2012).
  • Au Royaume-Uni, la National Elf Service mentionne que WRAP est associé à un taux de réadmission hospitalière moins élevé, et à des trajectoires de rétablissement plus dynamiques, selon des expériences menées dans le NHS depuis 2014 (National Elf Service).
  • En France, la HAS (Haute Autorité de Santé) cite WRAP parmi les démarches innovantes en santé mentale participative et recommande de promouvoir la pair-aidance et les outils créés par les personnes concernées (HAS, 2022).

Des organismes publics et privés soutiennent le déploiement du WRAP, notamment dans la région Auvergne Rhône-Alpes, où plusieurs établissements (CHS, GEM, MDA, structures d’insertion) proposent des cycles WRAP en partenariat avec des associations de pairs.

Indicateur Valeur / Résultat Source
Nombre de pays ayant des ateliers WRAP 30+ Copeland Center
Participants formés (estimation mondiale) 250 000+ Copeland Center
Réduction des symptômes dépressifs -49% à 6 mois Cook et al., 2012
Effet sur le taux de réhospitalisation Diminution mesurée au Royaume-Uni National Elf Service, NHS

Pourquoi le WRAP séduit (et parfois bouscule) le secteur de la santé mentale

L’arrivée du WRAP en France a coïncidé avec une évolution profonde : la reconnaissance des savoirs expérientiels, la montée des pairs-aidants, et l’ouverture vers de nouvelles formes de soutien. Selon l’avis de la Fédération Nationale des Groupes d’Entraide Mutuelle, “l’approche WRAP redonne à la personne la possibilité et la légitimité de se connaître, de se définir, et d’exprimer ses attentes hors du cadre clinique” (FN-GEM).

Cela modifie la posture des professionnels : le soignant n’est pas là pour dicter la marche à suivre, mais pour favoriser cette dynamique de réappropriation. Plusieurs établissements en psychiatrie réhabilitante témoignent qu’après la mise en place d’ateliers WRAP, les personnes engagées ressentent plus de fierté et moins de stigmatisation.

Quelques freins à connaître

  • Manque d’accès : malgré son essor, tous les territoires ne proposent pas encore des ateliers WRAP ouverts, gratuits ou intégrés aux parcours de soins.
  • Formation des pairs : il existe encore peu de formateurs habilités en France, même si le réseau s’élargit chaque année.
  • Temps d’appropriation : le WRAP suppose un engagement actif, parfois difficile à initier pour des personnes isolées ou très souffrantes.

Des témoignages qui donnent du sens

Au-delà des chiffres, la force du WRAP se révèle dans les récits individuels. Par exemple, lors d’un atelier organisé à Lyon en 2023, une participante expliquait : « Pour la première fois, mon vécu était écouté et reconnu. J’ai pu mettre des mots sur mes peurs et trouver avec le groupe des solutions à tester, à mon rythme. »

Un autre témoignage, recueilli à Annecy lors d’une formation, souligne : « Ce que j’ai appris sur moi en WRAP, aucun professionnel ne me l’avait jamais vraiment demandé. J’emporte mon WRAP partout, c’est devenu mon carnet de route. »

Perspectives et réflexions pour demain

Le WRAP s’affirme aujourd’hui comme un levier puissant pour le rétablissement en santé mentale, en replaçant la personne au cœur de la décision et de l’action. Son expansion en Auvergne Rhône-Alpes témoigne d’une évolution du secteur : l’écoute, l’entraide et la formation des pairs ne sont plus des options, mais des piliers de l’accompagnement de demain.

Face à la demande croissante de solutions accessibles et adaptées, le développement du WRAP invite à penser collectivement d’autres manières de tisser des liens, de bâtir la confiance, et d’inventer des réponses partagées — dans le respect de chaque expérience.

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