L’écosystème de la formation de pair-aidant en France : des parcours variés

La formation de pair-aidant en santé mentale relève, pour l’essentiel, de parcours proposés par quelques organismes spécialisés. Par exemple, le Centre Ressource Réhabilitation psychosociale de Lyon (Centre Référent Pair-aidance), l’UNAFAM, ou certaines associations pionnières comme la Fondation Santé des Étudiants de France (FSEF). Depuis 2018, la fonction de « médiateur de santé-pair » (MSP) est inscrite dans le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), garantissant la reconnaissance officielle de ce métier (source : France Compétences).

  • Les formations qualifiantes s’étalent souvent sur plusieurs mois (réparties sur une année environ), avec des stages pratiques obligatoires.
  • Le coût principal d’une formation de pair-aidant qualifiante varie entre 2 500 € et 5 000 €, selon les organismes (hors frais annexes type transport ou hébergement).
  • Une dizaine de promotions sortent chaque année en France, pour un effectif encore limité à moins de 300 pairs-aidants diplômés depuis 2012 (source : Centre Collaborateur OMS).

Les différents dispositifs de financement et de prise en charge possibles

L’accessibilité à la formation dépend fortement du statut de la personne : salarié, demandeur·se d’emploi, bénéficiaire de l’AAH ou d’autres minima sociaux, ou personne n’ayant pas de statut institutionnel. Voici un panorama des solutions principales, avec leurs limites et leurs points d’attention.

Le Plan de Développement des Compétences via l’employeur

  • Certains hôpitaux, cliniques, associations ou établissements médico-sociaux recrutent des pairs-aidants sous statut de “médiateur de santé-pair” (MSP) ou “pair-aidant salarié”. Si l’employeur souhaite les former, il peut inscrire la formation au plan de développement des compétences.
  • Dans ce cas, la formation est intégralement prise en charge par l’employeur (voire également par les OPCO : Opérateurs de Compétences), y compris les temps de formation durant le contrat de travail.
  • Ce modèle reste cependant réservé à une minorité : la majorité des pairs-aidants débutent en tant que bénévoles ou aspirent à se former avant d’être recrutés.

Le Compte Personnel de Formation (CPF)

  • La formation de « médiateur de santé-pair » (RNCP35821) ou les équivalents peuvent être mobilisés via le CPF si la formation figure au catalogue, ce qui est le cas pour certains organismes.
  • Le crédit du CPF varie selon les situations professionnelles passées : en moyenne, une personne disposant d’un parcours salarié d’au moins 10 ans peut cumuler jusqu’à 5 000 € à 8 000 € sur son compte.
  • Le CPF ne couvre pas les personnes éloignées du marché du travail ou en situation de longue maladie sauf cas particuliers (droit acquis avant la perte d’emploi dans certains cas).

Pôle Emploi et dispositifs pour les demandeurs d’emploi

  • En tant que demandeur d’emploi, une personne peut solliciter l’Aide Individuelle à la Formation (AIF) de Pôle Emploi. Le financement est accordé après étude du projet et selon la cohérence avec le plan de retour à l’emploi.
  • La prise en charge n’est pas systématique ; elle dépend de la dynamique du bassin d’emploi, des besoins locaux et du budget du conseiller.
  • Moins de 30 % des candidats pairs-aidants bénéficient actuellement d’un soutien institutionnel via Pôle Emploi (source : UNAFAM 2022).

Prise en charge par la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH)

  • Pour les personnes titulaires de l’AAH ou en situation de handicap reconnue, il est possible de demander à la MDPH une aide financière exceptionnelle (hors du fameux « PCH »).
  • Là encore, le financement est soumis à acceptation par une commission qui étudie le projet. Les délais de réponse peuvent excéder 6 mois dans certains départements.
  • Cette option manque de visibilité et d’égalité d’accès selon les régions.

Fondations, bourses associatives, collectivités territoriales

  • Des fonds ponctuels sont parfois proposés par des fondations d’entreprise (Fondation de France, Fondation Orange), ou dans le cadre de projets de recherche-action pilotés par des CHU, ARS ou associations.
  • Certains conseils départementaux ou régionaux (comme en Auvergne Rhône-Alpes lors d’appels à projets 2023) ont financé une poignée de bourses forfaitaires (de 500 € à 2 000 €).
  • L’obtention de ces financements exige une veille active, car ils sont limités dans le temps et ne sont pas reconduits systématiquement d’une année sur l’autre.

Obstacles rencontrés et inégalités d’accès persistantes

Si les dispositifs existent, leur exploitation dans la réalité s’avère parfois complexe. Les obstacles identifiés sont multiples :

  • La barrière administrative : Les candidats à la formation évoquent la difficulté de s’orienter entre les dispositifs, l’exigence de dossiers justificatifs et les délais d’instruction parfois décourageants.
  • Les inégalités territoriales : D’un département à l’autre, les possibilités d’être accompagné varient fortement : certains n’ont pas de réseau associatif ni de structure relais, d’autres disposent de guichets dédiés.
  • L’autofinancement fréquent : Faute d’accès aux aides, plus de la moitié des pairs-aidants en formation doivent mobiliser des économies personnelles ou un prêt, ce qui constitue un frein majeur pour de nombreuses personnes concernées (source : Santé Mentale France).

Quelques chiffres clés pour mieux comprendre l’enjeu

  • Le taux de réussite à l’obtention du titre MSP oscille autour de 90 %, mais plus de 30 % des candidats abandonnent le parcours par manque de financement ou difficultés logistiques (source : Rapport IGAS 2022).
  • Sur les promotions 2019-2022, 60 % des pairs-aidants déclarent avoir autofinancé leur formation en totalité ou en partie (source : Equipe Collectif Nationale Pair-aidance).
  • Les régions Île-de-France, Auvergne Rhône-Alpes et Occitanie sont les mieux dotées en structures formatrices, mais le désert demeure dans beaucoup de départements ruraux ou ultramarins.

Conseils pratiques pour optimiser ses chances de financement

La recherche de financement demande une démarche proactive, rigoureuse, mais aussi du réseau et du soutien. Voici quelques stratégies éprouvées :

  1. Mieux cibler son projet : Rédiger un argumentaire présentant clairement sa motivation, son projet professionnel, et l’intérêt pour la structure ou le territoire. Plusieurs organismes demandent une lettre explicative, à anticiper !
  2. Oser solliciter les réseaux : Contacter l’association locale UNAFAM, Argos 2001, ou un Groupe d’Entraide Mutuelle pour obtenir des conseils sur le montage du dossier, l’identification de dispositifs locaux ou la recommandation d’un sponsor.
  3. S’informer auprès des centres de formation : Certaines écoles disposent d’un service d’accompagnement ou d’un référent social qui peuvent aiguiller sur les financements actuels, et parfois négocier des frais étalés.
  4. Vérifier la prise en charge indirecte : Envisager une convention de stage ou d’immersion pratique dès le début, qui ouvrira parfois la voie à un emploi aidé ou à une embauche progressive après la certification.

Perspectives d’évolution pour la prise en charge des formations

Face aux besoins croissants de pairs-aidants, plusieurs recommandations émises par le Conseil National de la Refondation Santé Mentale ou la Haute Autorité de Santé pointent la nécessité d’une plus grande égalité d’accès à la formation — plaidant pour un fonds national dédié, ou un élargissement de l’éligibilité à tous les demandeurs concernés, y compris les personnes peu ou pas insérées sur le marché du travail.

L’ambition d’un financement généralisé, inscrit dans la loi, est soutenue par de nombreux collectifs de pairs-aidants (voir le plaidoyer du Collectif National Pair-aidance, 2023). Plusieurs régions expérimentent actuellement, en lien avec les ARS, des dispositifs de pré-recrutement avec formation financée, à suivre dans les prochains mois.

Aller plus loin : ressources et points de contact

L’accès à une formation financée pour devenir pair-aidant est encore loin d’être garanti pour tous, mais les dispositifs évoluent grâce à la mobilisation des pairs eux-mêmes. À chacun de s’outiller, de s’entourer et d’oser, pour donner toute sa place à l’expérience vécue au cœur des équipes en santé mentale.

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